Essai de la AvintonCollector Roadster 2015
Elle s'appelait ROADSTER
Retour vers le hall d'entrée. Cette fois, je ne peux plus reculer. Il me faut l'aborder. Après tout, c'est aussi un peu une question d 'honneur. J'apprends son petit nom : Roadster.
Ce qui m'a frappé, c'est l'allure générale de la bête : racée, typée, fine mais dégageant une impression de puissance et d 'équilibre. Je lui demande la permission de monter. Elle ne réagit pas et me laisse lui prendre le guidon. Contact mis, démarreur qui se lance dans un bruit timide puis soudain, on entend un bruit de basses, on sent des vibrations, on ressent des résonances. On s'aperçoit alors que le moteur est au ralentit. La belle nous a laisse volontiers son dos accessible mais nous fait savoir de sa voix profonde qu'il va falloir qu'elle nous accepte.
Un petit tour sur les routes environnantes. Alors comment dire... cette moto nous parle. Oui, je sais, vous allez penser que j'ai fumé la moquette. Pourtant c'est vrai. Cette moto nous parle. Elle fait travailler les sens : La vue pour la beauté ; le toucher... pour la chaleur qu'on sent monter contre sa jambe (ceci est d'ailleurs repris comme un défaut dans certains essais mais moi j'ai trouvé cela très utile. On sait quand son moteur est à température) ... pour les vibrations qui semblent monter, tout en délicatesse, du fond des entrailles du monstre ; enfin l'ouïe, avec le bruit rauque du moteur mais aussi le "clac" relatif à l'ouverture et fermeture du clapet d'admission d 'air situé au dessus du faux réservoir, à quelques dizaines de centimètres du museau.
Le plumage est en rapport avec le ramage. La prise d'angle semble aisée. Je dis semble car je n'ose pas la brusquer. Ce n'est pas n'importe quelle machine que j'ai entre les mains. Alors autant ne pas trop aller titiller ses limites. On sent néanmoins que la précision est de mise avec un transfert de masse des plus intuitifs. Elle met en confiance mais c'est le respect qui freine... qui freine moins fort qu'elle d'ailleurs. Elle est équipée d'un système à quatre disques. Et là, je peux vous dire qu'une simple pression du bout du doigt suffit à coller le front dans la visière. Métal dompté par deux phalanges et rêves mis en orbite par une rotation du poignet. Voilà.
Bon quelques temps pour prendre un peu en main la chose puis je tourne un peu plus la poignée. Là, c'est une claque. Ça pousse, ça souffle, ça tracte et on sent que le cheval s'ébroue. Il a envie d'en découdre mais son cavalier n'est pas trop téméraire. Déjà, il lui a fait une très forte impression durant quelques secondes. Puis, après avoir relâché la poignée, je me rends compte d'un détail qui me convaincra définitivement sur ce moteur : j'avais accéléré seulement à la moitié...
Béquillage et sourire. Pas un sourire béat non, mais quelque chose de plus profond. Une sorte de mélange entre la fierté d'avoir dompté un animal sauvage mais tout en sachant que celui-ci s'est montré très docile par rapport à ce qu'il est capable de donner. Finalement, la bête m'avait accepté. Oh, nul doute qu'il me faudra encore faire beaucoup d'efforts pour l'apprivoiser complètement. Elle prévient toujours mais ne mord jamais. Elle est exceptionnelle et elle le sait. Pourtant, elle ne me parle plus avec cet air hautain. Elle ne veut pas m'écraser mais bien m'accompagner vers autre chose. Compagne de voyage et de trajets. Inaccessible et docile. Sauvage et enjouée. Paradoxe filant dans un esprit embrumé par ce qu'il vient de vivre malgré de nombreuses années à user les routes....
Esteban Hogger -Crédit photo : P. Aventurier