Bon, on tue
le suspense tout de suite ou on essaye de meubler pour laisser le temps à la
concurrence de se remettre ?!? Pas la peine, il suffit de 200 mètres pour
faire la différence. Soyons cash et impitoyable comme la nouvelle 750 Hornet :
elle n’a laissé aucune, AUCUNE chance à ses rivales !
Mise sur le grill face aux icônes du marché que sont la Yamaha MT-07 et la Kawasaki Z 650, le résultat fut sans appel. La Yam a tenu un demi-round sur le ring ;
la Kawa a peine plus, car elle s’est faite moins remarquer lors des prises de
bec. Mais que s’est-il passé ?
Toutes sont
sous le soleil Castellant, attendant dans le froid l’esprit de feu de vibreurs.
Le circuit n’est pas l’endroit préféré de nos montures du jour. Il est même
très peu probable qu’elles y posent les roues un jour. Mais voila une
excellente (et petite) arène pour pousser les brèles près de leurs limites,
leur mettre un peu de contrainte et taper dedans à foison dans un max de
sécurité.
Surtout, à ce petit jeu, les différences et les défauts sautent aux yeux rapidement.
Instantanément même pour certains aspects.
Ne dénigrons pas la MT-07, surtout que son succès décennale est une sacrée
ligne sur son CV. Mais là, sous le ciel clément du Paul Ricard, elle se fait
défoncer par la Hornet sur n’importe quelle tableau. Ce n’est ni une gifle ni
une manchette ; c’est un KO complet. Un confère de Mot’Mot’ avait tout à
fait raison en parlant de contrat de tueuse de l’une envers l’autre.
Je suis à
tiers de gaz dans un long droite peu technique et pourtant, la Yam gigote
sensiblement. Une bonne accèl’ à la sortie la fait dandiner du derrière avant
de partir à l’assaut d’une courte ligne droite. Je passe la 3, tente d'enclencher le rapport suivant… Pas moyen. La boite est récalcitrante à passer le
rapport à pleine charge. Quelques injures s’échappent du casque pendant que le
rupteur s’égosille. Je choppe les freins, dont le mordant calme l’agonie du
twin. Les pinces mordent avec vigueur, ce qui redonne un peu de sourire... et met en évidence le manque de retenue de la fourche.
A contrario, dans le même passage, la Honda est parfaitement à son aise.
Passant plus vite, tranquillement posée sur ses suspates, elle attend sagement
une volée de gaz pour sortir avec aise du virage. On ouvre plus tôt, avec un
moteur qui donne aussi bien de la voix que de la force. Les vitesses passent à
la volée sans retenue. Avec un petit sursaut sec sans le shifter / tout en
souplesse avec. C’est au tour des Nissin d’attaquer les disques de 296 mm. C’est
là qu’on apprécierait un peu plus de gniak dans les mâchoires. Le feeling, très bon
sans être excellent, nous rappelle que c’est un roadster mid-size dynamique
mais pas saignant. En insistant, on sent l’ABS se réveiller sur l’avant, avec
une certaine retenue et une bonne sensibilité, permettant de juguler son
intervention tout en gardant du frein et en entrant sur l’angle. L’anti-dribble
maintient la moto en ligne, et dejà, on plonge gentiment dans le droite sans réfléchir.
Jouant le
juge de paix, la Z 650 semble ne pas vouloir se fritter entre nos deux protagonistes. Son moteur est bien moins expressif, avec une sonorité qui ne
donne pas envie d’aller chercher des watts. La partie-cycle permet se s’engager
dans les courbes avec une certaine neutralité mais la Kawa élargit
systématiquement en milieu/sortie de courbe. Tandis que la Honda reste
confiante et la Yam hésitante. C’est bien simple : sur circuit, la MT-07
cherche ce qu’elle doit faire, La Z fait le boulot bon gré mal gré, la Hornet
se promène avec entrain sans qu’à aucun moment le pilote ne se pose de
question. On peut lui demander ce qu’on veut, l’emmener dans n’importe quel
coin, lui murmurer un changement de trajectoire à la c.. sans qu’elle ne s’ébroue.
La Honda n’est pas non plus un bistouri. Son train avant dandine en peu à l’entrée
des pif-paf, la mise sur l’angle est très homogène (même évidente) sans se montrer incisive, et son amortisseur à tendance à pomper sur les petites bosses
lors de la remise (forte) des gaz.
Mais là, on est déjà dans un rythme pour lequel la machine n’a pas été prévue.
Le match semble plié. Sonnée, haletante, hébétée, la MT-07 se raccroche à peut-être son seul atout, le freinage. C’est clairement le plus expressif du lot. Son mordant est bien plus direct que sur la Hornet. Pas forcément plus puissant mais l’attaque des disques est nette, avec de la gniak et une sensation de vigueur plus marquée. Mais après, c’est fini. La Hornet est déjà sortie plus vite du virage et l’enfume à la ré-accélération. Comme depuis le début, la Z s’est glissé entre les deux dans la courbe puis n’a pas cherché la confrontation au moment de remettre les watts. « Allez vous fristouiller plus loin, je reste pas loin derrière. »
Après ce
petit combat de coqs, dégustons un rayon de chaleur et un petit café. Se poser,
sentir l’odeur délicate des plaquettes chaudes, dévisager la bécane sous un
autre œil.
Après avoir découvert la 750 Hornet à Cologne et à Milan, nous n’avons pas
besoin de revenir sur son design, dont les avis divergent ; mais personne
ne la trouve vilaine ou impersonnelle. Disons qu’on attendait plus tranché
et/ou tranchant. Il lui manque une « gueule », un style qui se
remarque, un éclat pour tacler le passant. Regardez la MT : elle est
horrible mais elle secoue quiconque croise son regard.
A la vue du tarif affiché, il était à craindre que cette nouveauté ne soit pas
tout à fait du niveau de qualité fidèle à la marque ailée. Et bien, ce n’est pas le cas. Les
matériaux semblent de bonne facture, les plastiques sont bien agencés, pas de
fils qui se baladent ou montés à la va-vite, pas de soudures dégeula…., une
impression de qualité immédiate. C’est du Honda, tout simplement. On tord un
peu le nez en constatant que la boucle arrière n’est pas démontable. Mais cela
aurait certainement eu un impact sur le prix.
Il faudra par contre se contenter de peu d’aspects pratiques. Comme toujours
dans cette catégorie. L’espace de rangement sous la selle passager est réduit à
l’emport de la trousse à outils, d’un couteau-suisse, d’une photo Polaroïd et d’un
smartphone. Car le port USB-C (précision importante) se trouve là, hors de
portée d’utilisation. Honda préfère que vous rangiez votre bidule ici, pour ne
pas être distrait par un autre écran que celui du tableau de bord. Et pour
interagir avec le dit bidule, il y a le système Honda Smartphone Voice Control,
basé sur la reconnaissance vocale.
Le passager n’aura d’ailleurs qu’une considération d’appoint. Rien de nouveau
là non plus. Petit strapontin, sangle de maintien devant la braguette, pas de
poignées, vue dégagée sur le compteur pour vérifier si le pilote est cool ou
maboul. Séquence passion ? Raison ? Frisson ?
Ce n’est ni
mieux ni pire dans les autres boutiques. Aucune machine de ce secteur ne peut
se vanter d’offrir des poches ou de la gratitude pour les invités. Une aubaine
pour le coin marketing, qui peut proposer des top-cases, valises, effets de
bagagerie, au milieu de goodies totalement inutiles mais toujours pimpants.
A présent que le frelon a injecté son venin, et que plus aucun de nous ne veut rouler sur autre chose pendant la journée, il est temps de vérifier que l’hyménoptère sait aussi (surtout) se montrer agréable sur la route. Pour agrémenter le parcours, déjà alléchant avec des virolos serrés de partout, un certain Mike Di Meglio sera de promenade avec nous. Rien de moins qu’un champion du monde GP 125 et Endurance, ça cause. Pour optimiser mes chances, j’ai bien tenté discrètement de lui casser un bras et de lui crever un œil pour légèrement le ralentir… mais il fallait choisir entre la violence et la tarte aux pommes.
Contact à
la sortie du resto. Une petite animation à l’écran accompagne le réveil de la
Hornet. Les deux bielles s’agitent gentiment pour rapidement céder la place à
la sonorité du twin. Une vraie réussite (encore). Avec une voix rauque, des
pulsations profondes et quelques morceaux de gras dans la gorge, le 755 cm3
sait faire reconnaitre sa cylindrée comme son architecture. Rien à voir avec le
bruit de casserole émoussée de la Kawa ou le ton mutin et impertinent de la 700 MT7. Ce dernier ne démérite pas, loin de là, et ne se laisse pas intimider.
Le timbre d’Iwata sait encore parler.
Avant de s’élancer, on tourne volontiers la poignée de gaz pour encourager
quelques grondements moteur. Ça ne sert à rien mais on aime entendre ronfler le
moteur de la Hornet.
Allez, un
peu de sérieux. Les pneus ont envie de chauffer. Pour l’instant, la bécane semble plutôt sage. La position de conduite est naturelle, avec des commandes
qui tombent tout de suite sous la main et une assise à la bonne hauteur. Grâce au dessin de la selle, les
pieds n’ont pas besoin de pointer, ce qui laisse présager que les petits
gabarits ne seront pas pénalisés. La présence sonore du moteur, l’espace à bord
et le gabarit de l’ensemble réservoir-habillage fait sentir que l’on est en
présence d’une moto d’une certain aplomb. Elle montre que c’est une 7 et demi,
compacte mais pas petite, avec un entrejambe fin et des jambes pliées dans la
juste mesure. On se sent plus ramassé sur la Yamaha, tandis que la Kawa fait
tout de suite plus « jouet ».
Honda nous en a fait des caisses sur la souplesse de l’embrayage… et ils ont eu
raison. La prise au levier est d’une douceur rare, digne d’une commande de 50
cm3. A croire qu’un mec a été incrusté dans la gaine pour tirer en même temps.
La moto décolle sans le moindre hoquet, et le moteur intime à présent au pilote
de le laisser s’exprimer.
L’avantage
d’un twin, c’est qu’il manifeste sa présence assez vite. Dans la CB 750, il
donne un peu de sa force dès les bas-régimes puis commence à devenir plus
consistant vers 4 000 tr/mn. On peut flâner sans s’ennuyer dans la
première moitié du compte-tours. A 6 000 révolutions, le moulin se
renforce, dans une sonorité un peu plus sèche. Les watts commencent à montrer
leurs dents jusqu’au prochain palier de 8 000 tr/mn. Une courte reprise de souffle puis déboule une
nouvelle louche de protéines qui emmène joyeusement les bielles vers la
frontière de la zone rouge. Des accélérations généreuses mais jamais violentes
ni hystériques. Presque bien élevées. Du Honda quoi ! Il n’empêche que le
bicylindre témoigne d’une jovialité marquée et d’une puissance donnant des
envies d’arsouille. Cette force est bien présente sans pour autant déborder le
pilote.
Chose qui ne gâche rien, la mécanique vibre peu. Avec ses deux balanciers d’équilibrage,
elle invite à la politesse et au confort. Voici en partie ce qui explique
pourquoi le bloc Yamaha, moins puissant, semble pourtant plus tonique et plus joueur.
Car le CP2 n’est pas à jeter non plus. Si la MT-07 a eu autant de succès
pendant 10 ans, c’est en grande partie grâce à lui.
Les routes autour du Castellet ne sont que promesses d’angles et de plaisir. On vire de bord à bord quasiment sans discontinuer, sans que les traj’ ne posent de piège. Sauf l’humidité et le froid dans certains coins. Donc méfiance à ce niveau là mais sérénité avec la CB 750. A son bord, on ne ressent pas « l’agressivité » inhérente ce certains roadsters du milieu. Car la moto distille de la décontraction en même temps que du dynamisme. Avec son châssis agile, elle virevolte sans sourciller, avec une facilité de premier plan. Maniable à souhait, elle engage quasiment toute seule, d’un simple regard. Tout est homogène dans sa conduite, avec parfois la surprise d’avoir pris la corde un peu plus tôt que l’on ne pensait. Avec la Hornet, plus on roule avec, plus on devine que l’envie de s’amuser est aussi présente que son sérieux. Double face la Honda !
Depuis quelques années, les Modes de conduite ont envahi toutes les catégories de motos. Quatre se trouvent à bord de la celle-ci, intervenant sur le contrôle de traction, le frein moteur et la puissance. En passant de l’un à l’autre, on sent nettement les différences de chacun des cocktails. Avec le "Rain", c’est l’ennui assuré. Le moteur répond sans se presser, avec une latence quasi prévue pour compter les gouttes de pluie. En "Standard", la moto répond déjà avec plus d’entrain. Mais après avoir switché à maintes reprises entre les différents modes, on finit par se caler sur le "Sport". Avec une réponse franche à l’accélérateur, le contrôle de couple qui n’intervient qu’en cas de vrai besoin et un frein moteur qui se fait oublier, c’est dans cet état électronique que la Hornet se sent le mieux. La sélection "User", entièrement paramétrable, ne servira finalement que pour les amateurs de wheels et autres tricks. En effet, ce n’est que dans ce mode que l’on peut désactiver les assistances.
La moyenne CB est l’une des mieux garnie en électronique dans la catégorie. Voire la mieux.
Les aides au pilotage sont présentes sur le papier mais ont la politesse de se
faire discrètes. Un ABS trop sensible ou un antipatinage qui intervient à la
moindre feuille mouillée, c’est vite irritant.
Et il y a aussi son instrumentation, particulièrement riche. L’écran TFT de 5
pouces regorge d’infos et se paramètre sous bien des aspects. Le pilote a le
choix entre 4 thèmes d’affichage, auxquels l’on peut associer plusieurs fonds d’écran.
La manip pour entrer dans le menu de config’ n’est pas spécialement intuitive.
A contrario, changer de mode de conduite ou faire défiler les infos de route
(trip, conso, degré d’ouverture de l’accélérateur, etc…) se fait aisément avec
le petit pavé sur le commodo gauche.
N’oublions pas l’éclairage full LED, l’antivol HISS, les clignos à arrêt
automatique, le warning auto-déclenché en cas de freinage de trappeur, le réglage
de la sensibilité du shifter (en option) et l’anti-wheeling (synchronisé avec
sur le contrôle de couple).
Le soir
venu, les avis étaient unanimes : elle va faire un carton ! Honda a
fait tout ce qu’il fallait pour. Il est certain que le marché va changer de
braquet avec le frelon de nouvelle génération.
Mais… Je sais déjà ce que certains vont haranguer :
- « ‘foiré, t’as été payé par Honda ! »
- « T’aimes pas les Yam, t’y connais rien ! »
- « Il faisait beau dans le Sud ? »
Et pour leur gouverne, j’ai une Yam dans le garage, que j’aime depuis le jour
où elle a été présentée…
Honda m’a effectivement payé le resto et même le ptit déj’….
Grand beau mais un peu frais…
Il s’avère qu’un constructeur peut tout simplement sortir une excellente moto. C’est le cas avec la nouvelle 750 Hornet 2023. Ce niveau de facilité / puissance / agrément à un tel prix est imbattable. Même le bridage A2 est réussi – bien que frustrant tant le flegme est lancinant une fois les 35 kW atteint. La concurrence va devoir très vite et très sérieusement réagir… quand elle aura réussi à se relever.
M.B - Photos Honda / Goodshoot