Essai de la HondaNT 1100 DCT Electronic Suspension 2025
Un horizon dans les valises
Elle tourne, elle danse, elle relance, point ne se perd ni hésitante mais se complet dans les envols qu’elle poudroie. Avec le ton d’une jeune dame déjà mature, elle pose ses roues et son confort tout le jour jusqu’aux fines étincelles sous les pieds.
Au guidon de la NT 1100 phase 2, difficile de dire qui fredonne au guidon ; la moto ou le pilote. Certaines bécanes transpirent l’anarchie, d’autres la quiétude, certaines l’ennui. Ici, c’est rouler ! Le temps d’un détour ou l’instant d’un pays. Car si la Honda semble presque flegmatique en statique, elle révèle un autre visage à l’usage.
En 2022, Honda a eu le nez fin ou une approche très pragmatique quand est venu le moment de reproposer une GT dans sa gamme. Il fallait présenter un produit plus accessible et capable de se soustraire à quasiment les mêmes usages qu’une Pan-European ou une BMW RT. Avec un peu moins de cachet, une carte de visite au lieu d’une présentation sur iPad, et des tarifs raisonnables. Le public ne s’y est pas trompé, avec plus de 20.000 exemplaires écoulés en Europe depuis ses débuts – dont les 2/3 en DCT. On va vite comprendre pourquoi. En France, la NT 1100 se fraie une place dans le top 20 du marché, se glissant entre les trails-gt devenus stars du tourisme.
Une évolution discrète mais efficace
Cette moto bien-née se devait quand même d’être améliorée sur certains points. Et Honda profite de cette évolution pour revoir certains points et relever l’agrément. Première critique universelle, son design trop sage. Certes idéal pour ne pas se faire remarquer mais pas érectile pour deux sous. Les designers ont revu la copie avec des flancs plus dynamiques. Une retouche subtile, loin de transcender la machine mais suffisant lui donner un peu de sourire sur les joues.
Autre point sensible, le fret. Les valises peuvent enfin accueillir un casque intégral. Aussi bien à droite qu’à gauche (l’une est légèrement amputée de sa capacité par la présence de l’échappement). Chacun pourra ainsi tranquillement ranger son heaume, ses gants, son téléphone et encore de fines babioles pour tranquillement profiter d’une pause.
Cette NT a simplifié le mécanisme de réglage de la bulle, dont la sélection sur plusieurs niveaux peut se faire en roulant. Nous jugeons nécessaire de réaliser plusieurs fois l’opération à l’arrêt, pour « sentir » le mécanisme ; après, l’ajustement se fera avec moins d’appréhension pendant que les lieus défilent. De toute façon, une fois que la bonne hauteur est trouvé, le besoin de la changer est quasi inexistant – sauf durant les périodes de chaleur, où prend une bonne dose d’air dans la quiche soulage de la cuisson.
Un réglage manuel ?!? Oui, (toujours) pas de mécanisme électrique pour la bulle. C’est du poids et du coût. Pas de cardan non plus, c’est du coût. Des choses évidentes sur une GT mais qui font vite partir les prix de vente à la hausse. Rappelons nous que la NT n’est pas sur le front du Premium ; ça, c'est la mission de la Goldwing.
Pas de radar non plus, pas de démarrage sans clé, pas de détecteur de fumée, pas de connexion automatique à Snapchat, pas de Thermomix intégré…. Pas de toutes ces c……ies aptes à vous amener plus de soucis que de roulage. La NT 1100 est une moto, qui parvient encore à limiter l’impact techno-assisté ; pas une station spatiale.
Quand technologie et humain doivent se comprendre…
Elle ne confond pas dans l’électronique mais point ne s’en déleste. Car Honda intègre son savoir-faire sans l’imposer. La version essayée comporte la boite robotisée DCT et des suspensions semi-actives. Des éléments non indispensables mais très appréciables, surtout la boite. Mais personne ne vous oblige à la prendre ainsi. La NT 1100 est disponible en dotation standard, ou avec DCT, ou avec DTC + suspates électroniques. Nous avons aussi à bord un top-case, fort utile pour les voyages mais les valises permettent de subvenir à tous les besoins du quotidien.
Le tableau n’est pas non plus sans reproche. Avec sa personnalité et son espace à bord, querelle que de n’avoir ni boite à gants ni petit espace pour glisser une bourse, quelques monnaies ou menus papiers. Le commodo gauche a été conçu par Dédale. Mais à part ça……. Elle nous réconforte vite avec la béquille centrale, le porte-paquet, les prises 12V et USB dans le cockpit, les poignées chauffantes et le régulateur de vitesse en série, un peu de place sous la selle passager, une finition impeccable et une qualité de fabrication aux hauts standards Honda. T’as de la bonne came, tu le sens, et tu le sais. Les deux pieds se posent au sol, même avec la selle confort (plus épaisse). Et la placer sur sa béquille centrale demande un effort certain mais loin d’être exigeant. Les présentations sont faites, allons faire tourner les roues.
Partir dans la petite brume du quotidien ou en direction d'une frontière commencera toujours par une cinématique simple ou à décoction :
- tourner la clé, appuyer sur Start, 2 coups de pouce sur la commande de DTC et roule ! Le plaisir simple de partir dans l'instant, maitre de ses émotions.
- ou attendre une vingtaine de secondes que l'écran ait fini de se réveiller. Cela n'empêche nullement le démarrage du moteur mais ce serait pas mal de réduire ce temps d'activation.
- troisième réalité, rentrer dans les paramètres du tableau de bord de 6,5 pouces pour jouer sur les paramètres des suspensions, des Modes de conduite, de la réponse moteur, du contrôle de traction HSTC, du thème d'affichage, etc... Bienvenue dans un espace de personnalisation incontournable d'une GT... d'une moto moderne.
Et sa gageure d’être commandé par un pavé de contrôle toujours aussi délicat à appréhender. Avec un peu de temps et quelques jeux de mémorisation, la navigation finit par devenir sans anicroche mais du progrès reste à faire pour devenir intuitif. L’affichage du niveau des interventions nous a paru illogique ; ou plutôt inversée. Sans mode d’emploi ou le conseil d’un pote, impossible d’entrer dans le système de configuration. Bref, rien de mieux ni de pire depuis la NT précédente ou l’Africa Twin. Honda ne devrait pas faire évoluer le système mais le revoir en profondeur.
Pendant ce temps, Wallace et Gromit seront déjà à l'entrée de l'autoroute avec leur veille pétoire.
Une remarquable compagne de route
Laissons les filer et profitons en ouvrir la journée vers les vallées. Un peu de retenue au départ, occasionnée par les quelques 250 kilos de l’engin. Deux virages, un rond-point et l’appréhension disparait, emportée par le remarquable équilibre de bord. Calé sur le mode de conduite Urbain et en transmission automatique D, la NT vogue tranquillement à travers la ville et ses sorties. Le passage des vitesses se fait en toute transparence, grâce à sa Dual Clutch Transmission encore améliorée en 2025. Parfaitement sereine à très faible allure, enchainant chaque évolution avec souplesse, elle ne souffre d’aucune critique. La seule fois où nous l’avons mis (très) légèrement en défaut, c’est sur un démarrage en côte avec beaucoup de timidité sur les gaz. La boite hésitait alors un peu sur sa phase d’embrayage. Mais là, c’était vraiment pousser le vice à la faire ch…. Comme certains « influenceurs » testant la résistance du dernier iPhone avec une masse de 50 kilos et prouver qu’il est fragile.
L’appel des espaces nous attirent vers les plaines, où le moteur pourra mieux s’exprimer. Enclenchons la sélection des vitesses sur une Mode S, plus amusant et expressif. Le D passant les rapports très tôt, il ne sera utile que pour une conduite économique ou autoroutière. Switchons la cartographie vers le « Cyclotour », plus dynamique aussi bien en moteur qu’en suspensions.
La promesse de l’horizon nous intime d’enlacer des routes en lacets. C’est là que le twin tire son épingle du jeu. Depuis les débuts de la NT, il provient de l’Africa Twin. Une mécanique de 1084 cm3 judicieusement remise à jour cette année. Laissons de coté toutes les améliorations physiologiques (il y a la fiche technique pour ça) pour goûter à son grondement à la fois présent et policé, sans renâcle mais d’un ronflement bien élevé et musclé. Comme s’il exprimait sa force par une voix convaincue et surtout, se voulant bon compagnon de voyage.
Le bicylindre sait répondre avec bienséance dans les basses révolutions puis arrive dans la zone où il se fait plaisir, au-dessus des 4 000 tr/mn. Honda a justement renforcé le couple dans les mi-régimes, octroyant une bonne poussée à la moindre sollicitation. Une sortie de courbe, un coup de gaz et la NT 1100 tracte avec vigueur sans pour autant vous désarçonner. On se plait à profiter de sa consistance, presque palpable au poignet, pour relancer encore et encore à chaque tangente. De l’élan, de la rondeur, une totale conviction de poussée parfaitement calibrée au style de la machine. Les amateurs d’enroulade seront enchantés ; les saignants resteront sur leur faim. Ils comprendront alors qu’ils n’ont pas compris la philosophie de cette monture.
Entre les deux, il y a ces moments où une envie de vitesse, de jeu, ou de dynamisme quelque peu poussée, se manifestent. Le Mode S3, avec lequel nous roulons, laisse volontiers les régimes partir vers la zone rouge. Toujours baigné de son couple, dont le maxi atteint 11,4 mkg à 5.500 tr/mn, la mécanique repart sans temps mort de cette zone où elle passe rapidement le relais vers une force plus tendue. Le cap du couple maxi est aussi celui où le bicylindre s’énerve un peu et renforce son effort. L’accélération est linéaire, sans faiblesse jusqu’à que le rapport supérieur passe tout seul à l’approche de la zone rouge. Ou… au contraire, la DCT garde le rapport si elle ‘sent’ que le pilote veut rester dans les tours, par exemple dans une série d’enchainements de virages.
C’est dans ses moments que le pilote peut se divertir des palettes de commande situées au guidon gauche. Doubler prestement, provoquer l’accélération, bondir en avant ou stimuler les sensations ? La boite réagit très vite mais on peut la motiver encore plus en tombant une vitesse au pouce juste avant elle et souder la poignée. Le regain est direct, révélant une partie de son âme plus délurée et pourtant toujours sage de la NT.
Bien que l’on puisse « reprendre la main » à tout instant, l’efficacité et la souplesse de la DCT sont tels que l’on oublie volontiers le système manuel pour rester en permanence au automatique. Conseil perso : laissez la bosser en S2 ou en S3 pour être tranquille, énergique et au gros top.
Toujours aisé, jamais lésé
On en oublierait le travail des suspensions. Et c’est peut-être le meilleur gage de qualité qu’elles peuvent témoigner. Les éléments Showa procurent la rigueur souhaitée pour tenir la moto sans gigoter tout en assurant un confort de bon aloi : ni trop ferme ni trop mou. Il faut vraiment les provoquer voire piloter comme un sale pour faire pomper l’arrière et le sentir se contorsionner sous les charges dynamiques et le poids de la moto. En dehors de ça, le système EERA fait très bien son job. On a déjà testé des motos avec des sabots ou des sandales à la place des roues ; la Honda NT préfère les baskets.
Sauf qu’elle n’est pas la tenue de sport, et n’y tient pas. Comme toute machine de tourisme, son habillage la qualifie et gratifie le pilote. Là aussi, Honda a bien bossé, avec une protection d’un excellent niveau. Les winglets transparents dévient l’air bien au dessus des mains. Bulle au plus haut, on entend les effluves chatouiller le haut du casque tandis que les perturbations semblent échouer dans leurs tentatives d’incursion. Dans la NT, il règne une sensation de « cocon de protection ». Cette zone, genre de micro-dépression locale, amène parfois (sur certaines machines) une sensation de poussée dans le dos à haute vitesse. Ce n’est pas le cas ici. D’ailleurs, la notion de vitesse est relative. Bien que la moto accroche les 200 km/h (avec top-case, bulle au maxi et veste touring), l’usage ne sous-entend guère ce type de vélocité.
Seul un vent assez fort a réussi à nous sortir de notre quiétude. Les motos d’un certain gabarit ont tendance à être sensible à ces caprices d’Eole, tel un bateau esclave et non maitre de son foc. Pas la NT, très peu perturbée par les bourrasques alors que le pilote les ressent très nettement.
Comme pour le moteur, le confort et l’utilisation, le maitre-mot de cette moto est l’homogénéité. Une conduite un peu engagée sur les vagues de la route ? Elle s’ébroue puis se remet tout de suite en ligne sans désarçonnement. Un bon nid de poule ? Elle ne peux éviter l’encaissement du choc mais semble le prémâcher avant de le renvoyer. Dans cette même optique, le freinage des étriers Nissin à 4 pistons est très dosable, mordant sans être violent, avec une puissance plus que convaincante. Il fait bien son job mais sans démonstration sensationnelle de force.
Bien plus qu’un choix raisonnable
Avec ses aspects techniques, ses prétentions et son tarif, la Honda NT 1100 apparait comme le choix le plus cohérent pour une machine de Grand Tourisme. Ce n'est pas pour autant qu'elle se limite à ça ; loin de là. Le plaisir se distille au fur et à mesure des kilomètres, avec toujours sous la main une petite graine de malice.
Ceux qui ont connu la Pan-European se devront de tourner une page, la NT ne reprenant pas les codes établis par cette aïeule, tels que le V4, la transmission par cardan, la masse importante, la noblesse de son envergure et sa conduite bourgeoise. La NT est bien plus amusante à piloter, sans être espiègle non plus. Confortable, agréable et très saine, elle confirme sa réussite. Un signe révélateur : l’envie de repartir en balade alors que l’on vient de passer la journée dessus.