Essai de la HondaForza 750 2025

Entre la moto et le tourisme

Certaines idées méritent d’être redécouvertes. Le scooter (dans sa thématique générale) transporte avec lui une image de petit engin urbain, pratique et ludique depuis la nuit des temps, avec une rigueur de conduite assez proche de la saucisse savoyarde (le diot, pour les connaisseurs). Mais depuis le nouveau siècle, l'engin a pris de l'aise, des compétences, des watts, de multiples déclinaisons. Chez Honda, le paroxysme est atteint avec le Forza 750, quasi une GT dans son macrocosme.

Descendant de l’Integra RC62, ce gros bébé est devenu stratégique sur le marché et doit composer avec une star dusegment. Face à lui, le célèbre Yamaha T-Max jouit d'une forte réputation et d'un tempérament un peu plus sportif. Le Forza peut en revanche se féliciter d'une boite robotisée qui colle parfaitement à ses missions et ambitions. La version 2025 pousse l'efficacité un peu plus loin. Voyons comment.

Derrière nous, la Méditerranée et ses accents de Grand Bleu tapissent l'horizon d'une liberté physiologique. C'est près d'ici qu'Enzo et Jacques commencèrent une compétition fratricide qui fit rêver une génération sous la poésie de Luc Besson. Moins rêveur, plus sérieux, le 7 et demi Forza présente une fière allure avec son design relifté. S’en impose une stature plus affirmée, plus mature, comme s’il avait troqué sa chemise pour un costard. Toujours bourgeois mais plus aiguisé, un brin squale et noblement posé sur ses roues, il sied parfaitement à un cadre d'entreprise ou à un taxi driver des beaux quartiers.

Pas mal de plastiques à bord, dont certains très souples, laissant une fausse impression de qualité allégée. Comme toujours chez Honda, l'assemblage est sérieux, le rendu très appréciable et la finition de premier plan. Cependant, l'habillage du guidon est-il vraiment nécessaire ? Une fois à bord, le gabarit imposant du Forza s'estompe quelque peu pour laisser la place à un environnement sobre dédié à une conduite entre le tourisme et le confort. Mais l'on découvrira qu'il peut plus que cela.

Le téléphone va se coucher dans la petite boite à gants droite, une pression sur le bouton d'ignition (la clé peut rester dans la poche), un coup de démarreur et le bicylindre se réveille dans un discret râle bien élevé. Un coup de pouce pour enclencher la DCT puis le groupe part traverser les petits villages siciliens plein de surprises.

Dans cet environnement, la transmission robotisée Honda fait merveille. Sa nouvelle programmation est bluffante de souplesse à bas régimes. Au "décollage", l'embrayage mord avec la même prise que le ferait une main humaine expérimentée, gardant un petit point de patinage pour modérer la mise en roulement tout en se tenant prête à complètement débrayer pour se lancer véritablement. L'ancienne boite pouvait sembler subir un genre d'hésitation dans cette étape, n'ayant pas cette approche sensitive et cognitive du "feeling" humain - la nouvelle, au contraire, gère volontairement et avec assurance cette "hésitation". Bluffant ! Lors des demi-tours sur un filet de gaz ou des évolutions digne du "plateau", le maxi-scoot se meut aussi bien voire mieux qu'avec tout autre type de transmission, ayant éradiqué les petits hoquets parfois rencontrés sur d'anciennes générations.

La Dual Clutch Transmission peut agir en fonction des Modes de conduite ou en mode Manuel, avec passage des rapports au commodo gauche. Mais son efficacité est telle que l'on reste en Automatique tout le temps. En utilisation Sport, elle sait repousser le passage à la vitesse supérieure en laissant le régime moteur monter dans les tours, et parfois garde le rapport quand la poignée de gaz n'est pas complètement à fond pour garder une capacité de relance. Un comportement en adéquation avec son nom mais pas vraiment avec son moteur.

Car le twin du Forza n'est pas le plus à l'aise en utilisation véloce. Il n'a d'ailleurs pas été conçu pour ça. Son terrain de jeu, c'est les mi-régimes où il fait un usage optimum de son couple. Consistant, avec une réponse douce et un son d'une certaine profondeur, il permet de s'extraire franchement des situations de la ville et des alentours, bien aidé aussi par les premiers rapports courts de la boite. Les reprises sont franches, énergiques, laissant croire que du sport serait à l'accueil en devenant plus sauvage avec le twin.

Sauf que quand on commence à le taquiner plus méchamment, le bloc poursuit son effort dans un bruit moins flatteur, avec des accents d'outillage culinaire. La poursuite d'accélération continue mais avec moins enthousiaste que quand elle profite de la «zone grasse» de la puissance. Sa force est pourtant de 58 bourrins, assaisonnée de presque 7 mkg de couple. Mais la mécanique subit la loi de ses origines, remontant aux NC 700, avec un conception technique pensée pour faire des économies (et pas à l'économie, nuance). Le 745 cm3 préfère un comportement GT, qui sera de mise pour 90% de l'utilisation du Forza. Pour des moments pressés, ce business-scoot est quand même capable d'accrocher les 170 km/h. Sans bouger de sa trajectoire ni se dandiner en courbe. La stabilité dans toutes les situations est avérée, accompagnée d'une partie-cycle saine et homogène. Seule la légère poussée négative dans le dos risquera de vous gêner un peu. Mais qui aime cruiser à ce genre de vitesse avec un scooter-GT !?!

Avec 236 kilos dans le buffet, il ne faut pas s'attendre à un comportement de ballerine. Pour autant, avec le positionnement de son moteur au plus bas, la qualité des suspensions et sa géométrie bien pensée, le Forza met instantanément à l'aise, s'engage et enchaine les virages dans un rythme coulé voire engagé mais sans bondir de l'un à l'autre. Rassurant en permanence, il ne se désunit pas sur les cicatrices et les crevasses de la route et se verrouille à peine dans les entrées de courbe un peu trop optimiste où le frein se serait fait trop insistant. Son amortissement travaille de belle manière, avec une remarquable digestion des aspérités, laissant une bonne lecture de la route et une fermeté bien calibrée. Il n'y a que sur certaines fortes compressions que l'on aurait apprécié une butée d'amortisseur un peu plus souple. Mais là, on chipote.

La masse du Forza trouve un bon lieutenant de freinage avec les étriers radiaux Nissin à 4 pistons. Ils attaquent avec souplesse les disques de 320 mm, permettent un dosage facile et régulier, avec une bonne puissance dans les mâchoires quand le besoin s'en fait sentir. Un freinage de routière mais où le mordant pourrait être plus incisif. Quant à l'ABS, faut vraiment taper dans les freins pour le déclencher.

Le domaine où le Honda 750 Forza s'exprime le mieux demeure, mais on s'en doute dès sa découverte, le tourisme dynamique. Sa proue protège bien les jambes, l'assise est confortable et la bulle vous dévie l'air au niveau du front de façon à préserver le torse et minimiser la pression sur le casque. Ceci en position haute.
Car amenée sur sa base, elle devient rapidement bruyante quand la vitesse sort de la ville. L'opération de changement de hauteur est électrique, avec une certaine manipulation du pavé multifonction au pouce gauche. Perso, et avis partagé, un bouton dédié eusse été plus agréable et plus pratique.

Sauf que Honda veut simplifier son système de commande. L'écran de bord fourmille d'infos (mieux agencés qu'avant, avec des graphismes plus ordonnés) et de réglages quand on commence à rentrer dans les menus. L'électronique abondante a permis au constructeur (et aux autres) de développer voire sur-développer les fonctionnalités mais ce n'est pas toujours simple de créer une navigation intuitive. Le contrôleur rétro-éclairé et ses chemins demandent un petit temps d'apprentissage, ou plutôt d’initiation à sa logique puis permet une foule d'opération. D'ailleurs, si les Modes de conduite Standard, Sport ou Rain ne vous conviennent pas, Honda a casé deux modes User pour paramétrer l'accélération, le frein moteur, le contrôle de traction ou la gestion de la DCT à votre convenance. Précision : si vous désactiver le Traction Control (ou contrôle de couple HSTC), celui-ci sera de retour à la prochaine remise en route de la machine. Dans les choses à revoir, la commande de clignos (encore….) n'est pas encore parfaitement dans la trajectoire naturelle du pouce, et l’activation du warning demande de la recherche. Pourquoi ne pas l'avoir placé près des boutons de commande d'ouverture ? Il reste de la place et c'est sous le nez. En revanche, la commande du DCT est bien plus intuitive que précédemment. Les japonais ont installé un régulateur de vitesse en série, que nous n’avons hélas pas eu le loisir d’expérimenter.

L'une des forces d'un scooter, avec laquelle bien peu de motos peuvent rivaliser, c'est le gros coffre sous la selle. Celui du forza, contenant 22 litres dans sa coque en matériaux recyclés (Honda à de grandes ambitions dans le domaine), permet de caser un casque intégral, même ceux de type crossover avec une casquette. Pensez à bien orienter le devant du casque vers le bas et la base du coffre pour que ça rentre. La selle vous facilitera le quotidien avec son ouverture par bouton sur la console centrale et ses deux vérins de retenue. La trappe à carburant est également contrôlé par un bouton du même type. Le Keyless est transparent tant que pratique sur le Forza ; ce n'est pas toujours le cas chez d'autres constructeurs.

Grâce à son jeu de valises (en option), le Forza se transforme en petite sport-GT, capable d'emmener quelques effets dans des dimensions de fortune. Presque une certaine renaissance de la Deauville avec 20 ans de technologie en plus. Mais limitez vos prétentions : la valise droite, fortement amputée par la présence du pot d'échappement, ne pourra servir que de porte-documents voire de rangement pour une combinaison de pluie. La soute gauche est plus convaincante, pouvant accueillir un petit casque. Petit hein ; ou bien un casque en éponge.

Mis à jour avec la norme Euro5+, le Forza 750 n'évolue pas en profondeur mais se dote d'une touche plus valorisante et renforce ses qualités. Agréable, facile, bourgeois (dans le bon sens du terme), joueur de polo plus que de water, il fait honneur à sa lignée et devrait encore croquer des parts à son meilleur ennemi. Surtout qu'il peut compter sur son frère X-ADV, modernisé lui aussi, pour tacler sur un tableau plus "aventurier". Son tarif est également à la hauteur de ses prétentions. Costaud mais pas exagéré.

Greg Rattin - Photos constructeur