Le groupe Pierer Mobility, propriétaire des marques KTM, Husqvarna, GasGas et MV Agusta, traverse une phase critique. Après des décennies de croissance spectaculaire, l'entreprise fait face à des pressions économiques intenses. Inflation, hausse des coûts de production et chute des ventes sur ses principaux marchés ont entraîné une dégradation rapide de sa situation financière. Alors que KTM incarne encore aujourd'hui la réussite dans l'univers de la moto, les défis s'accumulent, tant sur le plan industriel que sportif.
Une crise financière qui affaibli l'empire Pierer
Depuis janvier 2024, l'action Pierer Mobility a plongé de plus de 80 %, contraignant le groupe à revoir ses ambitions. Au cœur des préoccupations, la surproduction et des problèmes de qualité ont particulièrement nui à KTM, fleuron du groupe représentant 95 % de ses ventes. Dans un contexte où les prévisions de chiffre d'affaires et de bénéfices ont été révoquées, une procédure de restructuration juridique a été engagée.
Cette initiative, soutenue par plus de 5 000 employés, reflète la détermination de Stefan Pierer, PDG de KTM, et de son co-CEO Gottfried Neumeister, à protéger l'héritage de la marque et à préserver son avenir. "La marque KTM est l'œuvre de ma vie, et je me battrai pour elle", a déclaré Pierer, appelant à un effort collectif. Stefan Pierer et Gottfried Neumeister ont 90 jours pour soumettre un plan de redressement qui devra rembourser au moins 30 % des dettes et être approuvé par une majorité de créanciers en nombre et en montant. En cas d'échec, une liquidation pourrait être prononcée, entraînant la vente des actifs pour rembourser les créanciers selon le droit autrichien. Toutefois, l'État autrichien pourrait intervenir pour soutenir KTM, préserver l'entreprise et sauvegarder les emplois en jeu.
On en était restés au stade d'un éventuel renfort de RedBull. Difficile de tout suivre, un récapitulatif des dix derniers jours -depuis l'annonce du plan de restructuration stratégique de la marque- s'impose.
MotoGP : une vitrine fragilisée pour KTM
Le constructeur autrichien KTM, en proie à une grave crise financière, est désormais contraint de revoir ses priorités, y compris dans le domaine qui a fait sa réputation : le MotoGP. Les développements de la RC16, monture phare de l'équipe d'usine, ont été gelés jusqu'en février 2025, ce qui n'a pas empêché les pilotes essayeurs, Dani Pedrosa et Pol Espargaró, de voyager en Andalousie pour rouler durant deux journées, ces mercredi 11 et jeudi 12 décembre.
Malgré les déclarations rassurantes de Pit Beirer, directeur de KTM Motorsports, affirmant que la restructuration n'affecterait pas le département compétition, cette décision inquiète. Les pilotes d'usine Pedro Acosta et Brad Binder, ainsi que ceux de Tech3, Maverick Viñales et Enea Bastianini, pourraient subir les conséquences de ce ralentissement.
Un frein au développement de Pedro Acosta en MotoGP ?
L'avenir de KTM (et de Pedro Acosta, au centre) cristallise l'attention. MotoGP
Pour Pedro Acosta, spécialement, le prodige récemment promu au sein de l'équipe officielle, cette situation complique ses débuts. Son manager, Albert Valera, a confié sa surprise face aux difficultés financières de KTM, évoquant une trahison implicite : "On nous a vendu que KTM était un géant avec une énorme puissance financière. Personne ne nous avait prévenus." En septembre dernier, après les essais de Misano, le "Tiburón (requin) de Mazarrón" avait pourtant déclaré : "Je suis allé à l'usine et ils m'ont assuré que le programme sportif serait entièrement soutenu, nous pouvons donc être rassurés."
Si le jeune pilote et son entourage venaient à se sentir trahis, d'autres veillent... Pas d'état d'âmes, a priori, pour Ducati qui observe la concurrence avec attention. Selon certaines sources, la marque italienne aurait déjà approché le manager d'Acosta pour évaluer les possibilités d'un transfert futur, notamment dans l'une de ses équipes satellites. On est encore loin de ce scénario, mais si la firme autrichienne espère combler l'écart avec la marque dominante du championnat, un tel coup pourrait s'avérer destructeur.
KTM et la rumeur Lewis Hamilton : le Messie ?
Dans ce contexte de crise, une rumeur a enflammé le paddock MotoGP lors du week-end de Formule 1 à Abu Dhabi (08/12) : Le septuple champion de Formule 1, Lewis Hamilton, pourrait racheter les équipes KTM. Si un tel rachat est peu probable, il souligne l'impact de la crise sur l'image de KTM, autrefois perçue comme un bastion d'innovation et de performances. Les rumeurs vont bon train, et les allers-retours devant les médias pour éteindre l'incendie aussi.
Hubert Trunkenpolz, membre du conseil d'administration de la marque, a voulu dissiper les doutes :
Nous participerons au MotoGP l'année prochaine et l'année suivante, car nous avons un contrat avec Dorna.
Le secteur du deux-roues, à la croisée des chemins
Enfin, le 9 décembre 2024 a marqué un tournant pour MV Agusta, également propriété de Pierer Mobility. KTM a officiellement annoncé son désengagement de la marque italienne, la qualifiant de "non stratégique". Cette décision a ouvert la voie à une gestion totalement indépendante, avec pour ambition de restaurer la gloire de la marque italienne en quête de stabilité d'ici fin 2027.
Entre réorganisations financières, incertitudes sportives et ambitions stratégiques, le groupe Pierer Mobility illustre les tensions qui secouent l'industrie de la moto. L'exemple récent d'Ariel Motor, qui a cessé la production de ses motos Ace pour se recentrer sur le secteur automobile, montre également qu'il ne s'agit pas uniquement de volumes de production... Alors, si KTM et MV Agusta parviennent à relever ces défis, ce sera grâce à une combinaison de résilience, d'innovation et de soutien de leurs fidèles collaborateurs. Mais dans un monde où les marges se réduisent, chaque décision compte, et l'avenir demeure incertain pour ces géants des deux-roues.
Crédits photo principale : Rob Gray / Polarity Photo