Après les bouleversements des années de crise sanitaire et la baisse historique de la mortalité routière qui en avait découlé, l'accidentalité a amorcé une remontée depuis 2022. Voilà les résultats provisoires dont nous disposons pour 2024.
Bilan de la mortalité routière en 2024 : une légère hausse, mais des indicateurs globalement en baisse
L'année 2023 s'était avérée "historique. C'était la première fois que la France passait sous la barre des 3 200 décès sur les routes. 2024, suit cette tendance avec un bilan quasi-définitif pour reprendre les termes employés, faisant état de 3 190 décès, mais une augmentation de 0,7 % par rapport à l'année précédente. Malgré cette légère hausse, les autres indicateurs liés à l'accidentalité affichent une diminution :
- Le nombre d'accidents corporels est en recul de 1,7 %, avec 178 132 incidents recensés.
- Le nombre total de blessés diminue de 0,8 %, s'établissant à 233 071 personnes.
- Les blessés graves sont également moins nombreux, avec 94 cas en moins (-0,6 %).
François-Noël Buffet, ministre auprès du Ministre d'État, ministre de l'Intérieur :
Pour la deuxième année consécutive, nous maintenons la mortalité routière sous les 3 200 décès annuels. C'est le fruit d'un engagement collectif en faveur de la sécurité routière. Toutefois, chaque accident mortel demeure un drame humain, et nous avons la responsabilité d'intensifier nos efforts. Respect des limitations de vitesse, port des équipements de protection et vigilance accrue sont essentiels pour protéger les usagers les plus vulnérables.
Quels usagers de la route sont les plus touchés ?
Les automobilistes restent les plus concernés par la mortalité routière, représentant 48 % des décès et 31 % des blessés graves. En 2024, 1 535 conducteurs ont perdu la vie au volant de leur voiture, soit 23 de plus qu'en 2023.
Les motards et scootéristes ont aussi été plus touchés, avec une augmentation de 20 décès. Ils représentent 23 % des victimes et 32 % des blessés graves, bien que ces derniers aient diminué de 6 %.
Chez les piétons, on observe 12 décès supplémentaires par rapport à l'année précédente. Une augmentation de 16 % du nombre de blessés est enregistrée chez les utilisateurs d'engins de déplacement personnel motorisés (trottinettes électriques, etc.). En revanche, la situation des cyclistes reste pratiquement stable (+1 mort).
Une accidentologie variable selon les réseaux routiers
Le réseau secondaire hors agglomération reste le plus dangereux, concentrant 60 % des décès et 48 % des blessés graves. La mortalité s'est accentuée avec 51 décès supplémentaires, bien que le nombre de blessés y ait légèrement reculé (-1 %).
En milieu urbain, la situation demeure stable concernant les décès, tandis que les blessés graves sont en recul de 1 %. Les routes en ville comptabilisent 45 % des blessés graves.
Sur autoroute, la situation s'améliore avec 27 décès en moins par rapport à 2023, portant le total des victimes à 242 personnes.
Conduisez comme une femme
Sans surprise, les hommes restent largement surreprésentés dans la mortalité routière. Ils comptabilisent 78 % des décès (2 477 tués sur 3 190), ainsi que 75 % des blessés graves et 84 % des responsables présumés d'accidents mortels. "Les hommes sont à la fois victimes et responsables", note la Sécurité routière dans son rapport.
Les catégories d'âge les plus touchées en 2024 sont :
- Les jeunes adultes (18-24 ans) : +34 tués, bien que le nombre de blessés ait reculé de 1 %.
- Les seniors (75 ans et plus) : +10 décès, mais surtout une hausse marquée des blessés graves (+7 %).
"Les jeunes conducteurs ont moins d'expérience et de maîtrise du véhicule, ce qui explique en partie leur surreprésentation dans les accidents", souligne Florence Guillaume, déléguée interministérielle à la sécurité routière.
Une hausse plus marquée en France d'outre-mer
Contrairement à la métropole où la situation reste relativement stable, les territoires ultramarins enregistrent une dégradation plus nette des indicateurs. La mortalité y progresse de 4 %, avec 241 décès en 2024 contre 231 l'an dernier. Le nombre de blessés grimpe également de 3 %, atteignant 4 300 victimes.
Les conducteurs de deux-roues y sont particulièrement vulnérables, représentant près d'un tiers des décès, quasiment à égalité avec les automobilistes (83 contre 94).
Les hommes sont également plus exposés dans les DROM-COM (départements et régions d'outre-mer et collectivités d'outre-mer), comptant pour 83 % des décès et 93 % des responsables d'accidents mortels. Enfin, la catégorie des 18-34 ans, qui avait bénéficié d'une baisse record en 2023, voit sa mortalité repartir à la hausse.
23 vies perdues de plus et un objectif européen hors de portée
Les chiffres définitifs de l'accidentalité routière seront communiqués en mai par l'Observatoire National Interministériel de la Sécurité Routière (ONISR). Toutefois, si ce bilan provisoire confirme une stabilisation de la mortalité routière sous la barre des 3 200 décès, il convient de rappeler que ce chiffre reste inférieur aux niveaux d'avant-pandémie. Avant 2020, la France enregistrait entre 3 500 et 3 800 décès annuels, un nombre en recul par rapport aux décennies précédentes.
Depuis 2010, le nombre de morts oscille entre 3 000 et 4 000 par an, marquant un ralentissement des progrès observés auparavant. Pour rappel, la barre des 5 000 décès annuels avait été franchie à la baisse en 2006, tandis qu'au milieu des années 1990, la France comptait encore plus de 11 000 victimes de la route chaque année.
Malgré cette tendance à la baisse, l'objectif fixé par l'Union européenne reste encore lointain. Bruxelles ambitionne en effet de réduire de moitié le nombre de morts et de blessés graves sur les routes d'ici à 2030, par rapport aux chiffres de 2019. Concrètement, cela signifie que la France devrait atteindre un seuil de 1 700 décès annuels dans cinq ans, soit une réduction de près de 50 % par rapport à 2024. Une cible qui semble aujourd'hui difficilement atteignable.
Florence Guillaume, déléguée interministérielle à la sécurité routière :
Vous avez encore un accident mortel sur quatre qui est lié à l'alcool, un sur cinq aux stupéfiants, un peu plus d'un sur dix au téléphone, un sur trois à la vitesse : forcément, c'est qu'il y a encore des choses à gagner.
L'inattention au volant est responsable de 24% des accidents corporels en France, un problème exacerbé par l'utilisation des smartphones. À l'occasion des Journées Mondiales sans téléphone du 6 au 8 février, la Sécurité Routière lance une nouvelle campagne de sensibilisation intitulée "Quand vous regardez votre téléphone, qui regarde la route ?". Cette initiative vise à rappeler que l'utilisation du téléphone réduit la concentration et augmente le risque d'accident, avec des statistiques alarmantes : un conducteur distrait par son téléphone retient 30 à 50% d'informations en moins et quadruple ses chances d'accident.
En 2023 déjà, ce gadget était à l'origine de 390 accidents mortels, et plus de 612.000 contraventions ont été dressées pour usage de distracteurs au volant, dont la majorité pour l'utilisation du téléphone (chiffres ONISR). Malgré ces chiffres, de nombreux conducteurs continuent d'utiliser leur smartphone sur la route, soulignant un besoin urgent de changement de comportement.
Ainsi, difficile de ne pas croire que l'objectif de zéro décès sur les routes relève de l'utopie. Le comportement humain, marqué par l'erreur, l'imprudence et parfois l'inconscience, reste une composante inévitable de l'accidentalité. Ces facteurs de risque persistent et nécessitent toujours des efforts renforcés en matière de prévention, de contrôle et de sensibilisation, pour espérer se rapprocher des objectifs fixés.