Essai de la BMWS 1000 RR 2025 Se libérer du chrono

Résumé de l'essai de la S 1000 RR
- Style (4/5)
- Confort (5/5)
- Moteur (5/5)
- Agilité (5/5)
- Freinage (5/5)
- Equipement (4/5)
- Châssis (4/5)
Les points forts
- Moteur très puissant
- Facile à découvrir
- Particulièrement homogène et rassurante
- Freinage excellent
- Convivial pour la catégorie
Les points faibles
- Manque un petit coté explosif
- L'addition grimpe très vite
- Protection correcte mais peut mieux faire
L'avis de notre essayeur sur la S 1000 RR de 2025

L’aube s’éloigne des souvenirs pendant que des craquements mutins se font entendre. Le soleil sur les grains de l’asphalte, les bottes se plissant sous les pas, le cuir encore frais de sa nuit dans le paddock. Et là, impatiente de sentir une clé lui donner la vie, une S 1000 RR griffée 2025 attend fièrement de prendre la piste et ne se cache pas de vouloir en mettre plein le vibreur.
Une identité sérieuse
A chaque génération, elle s’en donne les moyens. La nouvelle version n’hésite pas à se présenter sous un faciès encore plus menaçant, largement influencé par l’ancienne M 1000 RR. Non pas de son front mais par ses ailerons encore plus exacerbés. Ceux-ci sont censés générer 10 kilos d’appui à 200 km/h, même jusqu’à 23 kilos à 300 km/h ; soit un gain de 30% (en moyenne) depuis le modèle précédent. Sommes-nous à même d’en juger ? Il faudrait des S 1000 RR d’autres millésimes et un niveau de pilotage plus relevé pour un tirer le jugement le plus pertinent.
Mais indéniablement, la BM a de la gueule ! Une bête racée, construite avec rigueur et sous le joug d’une efficacité omniprésente. Prête à bondir ? A mordre ? Non, à saigner la piste. Une panthère, dont les moustaches auraient fait un stage chez Airbus. Il n’y a rien à redire sur les assemblages, la qualité d’ensemble, la finition digne du blason qu’elle défend. Juste quelques fils ou fiches électriques pourraient être un peu mieux dissimulés en cherchant bien... en voulant à tout prix dénicher quelque chose qui cloche.
On aime quelques détails comme le té supérieur avec ses demi-coquilles pour libérer les tubes de fourches, l’arrière très propre et épuré une fois enlevé les obligations routières, le réglage du contrôle de traction immédiatement accessible, ou la qualité de construction du bras oscillant.
Le public devrait indéniablement perpétrer le succès de la sportive teutonne. En 2023, elle dominait largement les ventes dans sa catégorie, avec plus de 10 000 exemplaires vendus dans le monde. Sa dauphine n’en craquait que... 4 000. Une certaine italienne que vous aurez peu de mal à deviner ;-).
Une vie à bord bien pensée
S’installer à bord de la S 1000 RR ne dépayse pas des autres hypersports, avec un basculement du corps sur l’avant bien calibré et toutefois un appui sur les guidons plutôt raisonnable. La posture est telle que l’on se sent tout de suite à l’aise, presque préservé par rapport à la radicalité d’autres machines. Un petit temps d’adaptation pour se caler au freinage sera le seul écueil à une symbiose immédiate, rapidement absorbé. La selle réserve pas mal de place pour bouger, et sortir le corps pour épouser la prise d’angle est aussi naturelle que le balancement de la machine.
Un 4-cylindres à débordement
Sous le ciel aux airs ourdis, le 4-cylindres aboie son réveil sans ménagement. A froid comme à chaud, sa voix tient le haut pendant un temps non négligeable, avant de se stabiliser dans le bruissement de la colère. Ne partons pas dans l’instant. Choisissons auparavant un des sept Modes de conduite disponible – du plus sage Rain au plus paramétrable Race Pro. Un échauffement en Dynamic permettra de présenter ses hommages aussi bien à la moto qu’au circuit.
La piste de décollage est prête. Le réacteur peut causer !
Faut ouvrir, faut pas mollir, faut libérer tout ce qui bouillonne là-dessous. Envoie, soude, ose, et gave ton adrénaline de ces 210 chevaux exutoires ! Quelle force !!! Quelle rafale d'énergie !!! Quelle violence quand la main droite déchaîne les enfers dans ce bouilleur. Décidément, ce bloc allemand n’a de cesse de faire taper le cœur que d’affoler la vitesse. Offrant déjà de l’effort à 4 000 tr/mn, il se réveille plus sérieusement vers 6.000 trs puis se renforce, se remplit toujours plus, abonde et déborde de puissance jusqu’aux abords de la zone rouge. Il semble très légèrement se calmer avant de la tutoyer, vers 14.000 trs, mais le rapport supérieur aura déjà pris le relais. Ce bloc se montre à la fois linéaire et exponentiel dans ses montées en régime, passant du fauve au diable avec pourtant une aisance distillée avec soin. Le système Shiftcam de distribution variable est tellement bien ajusté qu’il est impossible de sentir quand le profil des ACT change. Rempli à souhait, le moteur n’est jamais pris de court ni de souffle et son allonge permet d’économiser des passages de rapports.
Ainsi, l’amateur pourra commencer à l’exploiter sans vraiment le subir... sauf s’il le provoque. Les pilotes plus expérimentés oseront davantage essorer la poignée, encaisser et canaliser les watts, profiter de cet élan extrêmement musclé dans une tornade somme toute bien élevée dans sa violence. La bande son (surtout avec l’Akrapovic « libéré » que nous avions) entretient le sentiment de puissance omniprésente, avec ce hurlement qui n’en finit pas de se régaler des tours/minutes pour se lancer dans l’hystérie.
Toutefois, ce 1000 peut se montrer moins « expressif », ou plutôt d’un caractère avec moins de relief que d’autres hypersports, mais ce sera au profit d’un comportement et d’une efficacité toute germanique. C’est droit, c’est rigoureux, c’est à la poursuite de l’impeccable en laissant le fun de côté. Il faudrait juste un final explosif pour les amateurs de domptage ou de ceux qui aiment quand un propulseur vous explose à la tronche.
La facilité d'une 600 Supersport
Ce qui n'empêche absolument pas de s’amuser. Les qualités de sa partie-cycle permettent de prendre rapidement du plaisir entre les vibreurs. La prise en main de la première session a beau se montrer hésitante, la S 1000 RR compense largement avec son homogénéité naturelle. Elle s’engage très naturellement sur l’angle, sans que le pilote n’ait jamais besoin de forcer. A croire qu’elle fait l’essentiel du boulot, ne demandant plus d’engagement et plus d’effort que quand le rythme devient sérieux. Dans un cas comme dans l’autre, le guidage de la direction est impeccable, permettant de placer facilement et finement la moto, même de rattraper la corde au dernier moment tout en préparant l’accèl grâce à l’excellent retour d’informations.
Un des points les plus appréciables de la S 1000 RR est son agilité à la fois vive et facile. La basculer d’un angle à l’autre se fait avec une telle aisance que le mouvement en devient intuitif. Il suffit de poser le regard sur l’objectif, donner l’ordre d’enquiller sur la traj’ et de lui donner toute sa confiance. On n’aura jamais besoin d’insister tant elle comprend le boulot que vous lui demandez.
Dans certaines phases de pilotage, surtout à l’accélération, la moto peut avoir tendance à gigoter. De petits mouvements parfaitement gérables, certainement provoqués par le boulot des suspensions électroniques. Un moment passé dans les box pour les paramétrer plus finement que les softwares d’origine devrait limiter voire oblitérer ce phénomène.
Freinage irréprochable
La S 1000 RR se rattrape haut la main au freinage, avec une puissance de décélération redoutable. Un vrai régal que d’user et abuser du matos Nissin, modulable à souhait avec un seul doigt. A chaque passage dans la ligne droite principale, on retarde la prise au levier... encore.... un peu plus.... et il reste toujours de la marge. L’action des étriers est directe, mordante, puissante à gogo et extrêmement dosable. De quoi sentir chaque décamètre qui vous sépare du virage ! Le tout dans une stabilité redoutable. La S 1000 RR ne bouge pas qu’elle que soit la force que vous lui balancez dans le train avant. Outre le châssis, l'électronique fait aussi un beau boulot pour tout stabiliser. Ce qui permet de préparer tranquillement son virage et de le déclencher soit proprement, soit comme un sauvage tant la moto ne bronche pas. Les risques de chauffe seront pris de court avec les conduits canalisant l’air vers les étriers, directement intégrés dans le garde-boue avant.
A de rares reprises, l’ABS s’est déclenché sur l’avant sur de fortes décélérations trop engagées. Les petits soubresauts dans le levier de frein sont plus informatifs que dérangeants.
Cele me fait penser au breifing sur une assistance électronique apparue en 2023, le Brake Slide Assist. Jadis en option avec les Modes de pilotage Pro, cette fonction fait maintenant partie de la dotation de série ; vu que la RR embarque nativement tous les Modes de conduite. De plus, elle a évolué pour vous permettre « d’apprendre » la glisse en entrée de virage. Sauf qu’avec les conditions préalables demandées*, il vaut mieux avoir déjà un sérieux bagage technique. Tu mets pas une meule de 210 bourrins en travers comme tu règles ta GoPro.
Sa poignée d’embrayage est très souple, presque onctueuse dans la main. Mais l’efficacité du shifter est telle que le levier ne sera sollicité qu’aux arrêts obligatoires (ou imposés). BMW a installé un assistant au sélecteur assez proche de la perfection. Transparent à l’usage, sans à-coups et utilisable dans n’importe quelle situation, le shifter est aussi délectable à la montée qu’à la descente, lissant le passage des rapports aussi bien sur l’angle qu’à fond de balle.
Beaucoup en série... beaucoup en option
Grâce aux Modes de conduite et son électronique particulièrement bien calibrée, la S 1000 RR peut s’apprécier sans se prendre la tête. On switche entre les Modes au fur et à mesure de la découverte de la piste pour sentir celui qui correspond au mieux aux envies de l’instant. Puis les trajectoires se tendent, les repères changent, la vitesse grimpe et les envies d’ajustement pointent le bout de leur nez. Les aides au pilotage profitent d’une bonne dose de calibrage dans les Modes Race Pro, à condition de manipuler ses intrications à juste cause. On change un paramètre, on jauge, on apprend…. Beaucoup de choses sont possibles avec l’ajustement du contrôle de traction, du niveau d’ABS cornering, des angles de dérive avant et arrière, du contrôle de glisse, de l’anti-soulèvement de la roue arrière, du contrôle de wheeling - côté réglages, un peu de temps dans les paddocks sera un allié avant de transformer sur la piste.
J’en oublie ?!?. Mais bien sûr tellement il y en a. Comme l’aide au démarrage en côte, qui vous emmer….. quand la moto est un poil en pente et que vous souhaitez la libérer pour partir juste en lâchant le frein ; ou le régulateur de vitesse ; et encore le limiteur dans les stands ; le Launch Control pour des démarrages de feu ; sans oublier un des éléments les plus réussis de cette machine : son tableau de bord. Si sa navigation n’est pas toujours la plus aisée, le schéma de compréhension imprime quand même assez vite sa logique. L’affichage est toujours aussi réussi, avec la gratification de plusieurs thèmes d’affichage pour prendre le pouls de la bête. Plutôt Route, Plutôt perfs, à moins que Chrono ne soit votre monitoring.
Après une belle journée d’essorage de poignée sur circuit, l’occaz d’arpenter les petites routes du Gers est trop tentante pour ne pas éprouver son hospitalité sur route ouverte. Sans surprise, la belle n’est que modérément enthousiaste. Jambes bien pliées, avant-bras pré-ankylosés, protection limitée au buste, frustration permanente liée à une démangeaison viscérale de libérer la puissance – voilà de quoi mettre le pilote sous pression d’un bout à l’autre de la balade. Pour autant, la S 1000 RR est loin de se montrer extrême, avec son appui sur les avant-bras pas trop cassant, des suspensions qui savent montrer une certaine connaissance (en réglage Road), une souplesse moteur à même de vous faciliter la vie, et quand elle en est équipée, des poignées chauffantes à 3 niveaux – un vrai bonheur dans le petit matin brumeux, où les cristaux de glace ne peuvent plus provoquer des cristaux de sel sous les yeux.
Vorace !
Une superbike pur jus ? Elle le laisse penser mais ne délivre pas complètement ce sentiment à l’utilisation. Tout simplement parce qu’elle conçoit que sa sœur M 1000 RR joue un cran au-dessus et qu’elle sait rester à sa place. Une place de choix d’ailleurs, bien que certains petits désagréments soient présents.
A force de blinder la machine d’électronique, celle-ci vous avertit au moindre pet de travers. En enlevant l'accastillage routier pour un usage piste digne de ce nom, le tableau vous assomme d’une énorme notification de défauts divers concernant l’éclairage. BMW devrait installer un paramètre " Piste " pour que la moto comprenne qu’elle est « allégée » sciemment.
Aussi, la poignée d’accélérateur n’a absolument pas de course morte. Le moindre mm de rotation se traduit par une réponse moteur. Ce peut être gênant en cas de petit sursaut involontaire de la main.
La bulle protège correctement quand on a la tête dedans à l’accèl mais sans plus. Et comme toujours sous le sceau de la Bavière, il y a la question des sous.
La BMW S 1000 RR 2025 demande 21.400 euros en prix de base. Un tarif conséquent mais dans la norme du secteur. Voire même pas si élevé vu le niveau de prestations et son rapport prix/puissance/efficacité/plaisir de pilotage. Sauf qu’avec la possibilité de rajouter de belles pièces en alu par ici, un pack M par là **, un pack Dynamic *** aussi, de la dotation Carbon **** et / ou race ****, plus quelques accessoires, la douloureuse au comptoir pourrait assez vite atteindre les 30 K.
Presque à mettre entre toutes les mains
En mettant de côté les considérations matérialistes, cette hypersport profite finement de ses derniers acquis pour conserver sa place enviable dans le top de la catégorie, avec en bonus une facilité et un comportement aussi redoutable qu’accessible. Finalement, la seule chose que l’on peut vraiment lui reprocher, c’est un manque d’émotions épicuriennes au profit d’une rigueur “chronométrale”. Je parle bien d’émotions, pas de sensations - la nuance est subtile mais prend bien plus d’importance quand la S 1000 RR trace le feu entre les virages.
Greg Rattin - Photos constructeur et wam
* Pour utiliser le Brake Slide Assist, il faut que le pilote est paramétré l’ABS Pro sur Slick et activé la détection de wheeling, qu’il mette du gros frein sur l’arrière, que la moto encaisse au moins 5,5 m/s2 à la décélération, idéalement dans un créneau de 140 km/h à 80 km/h. Cela doit engendrer un angle d’approche de 8° à 12° et vous permettre de mieux engager le virage.
** Le Pack à 4.880 euros contient le coloris Motorsport, une selle M (ou M Endurance), des repose-pieds M et des roues en alu forgées ou en carbone, au choix.
*** Le Pack Dynamic à 1.500 euros apportent les suspensions électroniques, les poignées chauffantes et le régulateur de vitesse.
**** le PAck Carbon ajoute un garde-boue arrière, un couvercle de pignon, des panneaux latéraux et une protection de chaine en fibre de carbone, pour 1.590 euros.
***** Avec le Pack Race, vous avez droit à une chaîne M Endurance et un échappement plus sympa ; Sport ou M en titane. Pour 1.020 euros.
Ah, il y a aussi le Billet Pack, à 440 euros, avec des leviers de freins, d’embrayage, et leurs protections. Que des pièces en alu fraisé.
Lesplus
- Moteur très puissant
- Facile à découvrir
- Particulièrement homogène et rassurante
- Freinage excellent
- Convivial pour la catégorie
Lesmoins
- Manque un petit coté explosif
- L'addition grimpe très vite
- Protection correcte mais peut mieux faire

