En 2025, il n'aura fallu que 10 jours pour transformer un provisoire en définitif. Ce délai record a permis de résoudre l'épineux dossier de la circulation interfiles (CIF), une pratique longtemps en suspens après des années d'expérimentation et d'attente.
Circulation interfiles moto : une situation bloquée début janvier
Au début de l'année 2025, les motards apprenaient avec déception que la CIF resterait dans le flou juridique. D'abord, la fin d'année 2024 marquait la fin de l'expérimentation, puis, un communiqué annonçait que la mesure ne pourrait être généralisée immédiatement (faute d'un bilan suffisant des dernières expérimentations menées de 2021 à 2024). Le statu quo concernant la circulation interfiles moto semblait s'imposer, prolongeant une tolérance encadrée dans les 21 départements concernés. La Fédération Française des Motards en Colère (FFMC) dénonçait alors un manque de volonté politique et un risque accru pour les usagers, privés d'un cadre légal clair.
Un revirement éclair et un timing qui interroge
Mais à peine 10 jours plus tard, coup de théâtre : un décret publié au Journal officiel officialise la généralisation de la circulation interfiles sur l'ensemble du territoire. Une décision qui surprend autant qu'elle soulage les motards. Ce changement rapide soulève néanmoins des questions.
Pourquoi une situation jugée en suspens début janvier a-t-elle pu se débloquer en si peu de temps ? Certains observateurs y voient une volonté d'éviter un bras de fer prolongé avec les associations motardes, déjà mobilisées sur d'autres fronts comme le contrôle technique CTR2M. Dans un climat où les préoccupations environnementales et sécuritaires monopolisent les débats, une légalisation de la CIF pourrait être perçue comme un geste en faveur des motards... tout en détournant l'attention d'autres décisions potentiellement impopulaires ?
CIF : une pratique encadrée et (enfin) légalisée
La circulation interfiles, qui consiste à rouler entre les files de véhicules lors de ralentissements ou d'embouteillages, était tolérée dans certaines régions de France, sans être officiellement légalisée. Aujourd'hui, cette pratique est strictement encadrée.
Légaliser la circulation interfiles répond à plusieurs enjeux. D'abord, fluidifier le trafic : les deux-roues, en se faufilant entre les voitures, contribuent à désengorger les axes saturés. Ensuite, renforcer la sécurité routière en établissant des règles claires, limitant les comportements dangereux. Les futurs motards et automobilistes bénéficieront d'une formation adaptée en conséquence. Les expérimentations menées de 2016 à 2024 dans 21 départements ont confirmé que cette pratique, bien encadrée, ne générait pas de suraccidentalité.
Florence Guillaume, déléguée interministérielle à la sécurité routière, insiste sur l'importance du respect des vitesses pour garantir la sécurité.
Il n'y a pas d'effet de suraccidentalité, dès lors que vous maîtrisez la vitesse. C'est un enjeu de fluidité de la circulation, cela vient donner un cadre. Les expérimentations ont d'ailleurs fait leurs preuves, il n'y a pas plus d'accident en interfiles.
Un cadre sécurisé pour tous
Comme un rappel ne fait jamais de mal, voici la réglementation concernant la CIF :
- Vitesse limitée : 50 km/h maximum entre les files ; 30 km/h si les voitures sont à l'arrêt.
- Itinéraires spécifiques : autorisée uniquement sur les routes et autoroutes comportant au moins deux fois deux voies séparées par un terre-plein central, où la vitesse est limitée entre 70 et 130 km/h. Une exception est faite pour le périphérique parisien, limité à 50 km/h (voir ensuite).
- Conditions de circulation : interdiction en cas de travaux, neige ou verglas, et toujours entre les deux files les plus à gauche.
Des sanctions dissuasives pour un usage responsable
Afin d'éviter les abus, le Code de la route prévoit des sanctions strictes. Les forces de l'ordre, soutenues par des dispositifs de vidéo-verbalisation, veilleront au respect des nouvelles règles. Les contrevenants s'exposent à une amende de 135 euros et à un retrait de trois points sur le permis de conduire.
La circulation reste un défi majeur, surtout dans les grandes agglomérations, comme le montre une étude d'Inrix qui classe Paris parmi les villes les plus embouteillées au monde (6e, 2nd en Europe derrière Londres), avec une moyenne de 97 heures perdues chaque année. L'abaissement de la vitesse à 50 km/h sur le périphérique parisien en octobre dernier avait rendu l'interfiles impossible, car cette pratique était réservée aux routes à vitesse inférieure à 70 km/h. Une bonne nouvelle n'arrivant jamais seule, un décret paru au Journal officiel le 9 janvier précise que cette règle s'applique désormais également aux routes dont la vitesse est localement réduite par décision de l'autorité de police de la circulation, comme c'est le cas pour le périphérique parisien.
"Le bon sens a gagné", titre la FFMC
La Fédération Française des Motards en Colère (FFMC), qui milite depuis des décennies pour la reconnaissance de cette pratique, salue cette décision. "Après 26 ans de combat, le bon sens a enfin triomphé. Nous ne serons plus verbalisés pour une habitude qui facilite le quotidien et contribue à la mobilité urbaine", déclare Jean-Marc Beloti, coordinateur de la FFMC.
En généralisant la circulation interfiles, la France se modernise et rejoint les pays ayant déjà encadré cette pratique. Cette évolution, fruit d'une longue lutte, marque une étape décisive vers un partage plus harmonieux de la route. Aux motards désormais de respecter ces règles pour profiter pleinement de cette victoire. Le mot d'ordre : fluidité, sécurité et cohabitation sereine entre tous les usagers.