Le week-end dernier, à l'occasion du Grand Prix d'Ernée, j'ai eu le privilège de m'entretenir avec Michele Lavetti, le team manager de l'écurie MXGP Kemea Yamaha Team. Une rencontre qui a ouvert les portes d'un univers où la performance est poussée à son paroxysme, bien au-delà de ce que le public peut imaginer.
Le MXGP Kemea Yamaha Team : Un écosystème de l'excellence
Fondée en 1997, l'équipe Kemea est devenue une référence mondiale, soutenue par Yamaha et Monster Energy. Elle aligne des pilotes de calibre international : Calvin Vlaanderen, Maxime Renaux, et Jago Geerts, des noms qui incarnent l'élite du motocross actuel. L'organisation autour de ces athlètes est d'une complexité et d'une précision fascinantes. Avec plus de 15 personnes dédiées à la mécanique, à la préparation physique et à la logistique (sans compter les services annexes comme la restauration), le team est une véritable machine de guerre.
Au Cœur du Paddock : L'Organisation secrète des camions
Ce que le public découvre lors de sa visite du paddock, ce sont les zones d'exposition des motos et les ateliers où les mécanos opèrent. Mais derrière ces panneaux, dissimulés aux yeux de tous, se cache un véritable QG roulant, réparti sur plusieurs camions.
Le Camion de la récupération
L'un des camions est entièrement dédié au bien-être des pilotes. On y trouve une zone d'échauffement complète avec vélos et matériel de musculation. Mais c'est la zone de relaxation qui impressionne le plus. Elle abrite des lits high-tech importés des États-Unis, capables de mémoriser la morphologie de chaque pilote taille, courbures, points de pression. Ce lit, dont le coût est très élevé, ne se contente pas de masser ; il prépare le corps, favorise une détente profonde et optimise la récupération musculaire. Un mécanicien a même découvert une légère différence de longueur de jambe en le testant ! Bien qu'il ne remplace pas le travail du kinésithérapeute, il offre un relâchement corporel et une adaptation sur mesure essentiels à l'apaisement et à la performance. Dans cette zone, un bain glacé est également disponible pour une récupération rapide. C'est à l'arrière de ce camion que l'on trouve la zone pour les pièces moteurs, une véritable caverne d'Ali Baba où chaque élément est prêt à être remplacé, avec un stock impressionnant équivalent à trois Grands Prix pour les trois pilotes du team.
Le Camion de la logistique pilote et partie cycle
Un autre camion est spécifiquement aménagé pour les pilotes et la maintenance des châssis. Il abrite les "chambres" individuelles des pilotes, des zones privées où ils peuvent se changer, disposer de leurs affaires et se concentrer. Michele Lavetti a expliqué que ces petits compartiments permettent d'éviter le désordre, un peu comme on gère les affaires des enfants ! C'est également dans ce camion que se trouve le dortoir, réservé principalement aux pilotes pour les siestes diurnes entre les épreuves, bien qu'ils rejoignent l'hôtel pour la nuit afin d'assurer un repos optimal. C'est enfin à l'arrière de ce même camion que l'on trouve la zone de stockage des cadres et des parties cycle des motos, tout étant rangé avec une précision chirurgicale.
Une zone de briefing est également présente, essentielle pour l'analyse des pistes et la stratégie de course.
Le camion et barnum de restauration
Pour nourrir toute cette équipe et les services annexes, un camping est installé avec un grand barnum dédié à la restauration. Une logistique alimentaire essentielle pour maintenir l'énergie de chacun durant plusieurs jours de course.
La Précision Technique : L'ADN du MXGP
Le MXGP est souvent comparé à la Formule 1 du motocross, et ce n'est pas un hasard. La recherche de la performance est poussée dans les moindres détails.
- Des suspensions d'or : Les suspensions représentent un domaine où l'excellence est non négociable. Un simple jeu de suspensions avant configurées représente un investissement colossal de 60 000 €. Il est crucial de souligner que ces pièces sont des créations sur mesure, exclusivement forgées par Showa ou Kayaba (KYB). Elles sont introuvables dans le commerce, étant spécifiquement adaptées à chaque pilote et aux diverses conditions de piste. D'ailleurs, chaque pilote dispose de plus d'une dizaine de jeux de suspensions, non seulement pour parer à d'éventuelles casses, mais aussi pour s'adapter précisément aux exigences de chaque course, qu'il s'agisse de terrains boueux ou secs.
- Pièces forgées sur mesure : L'exemple des repose-pieds, forgés sur mesure pour offrir un positionnement optimal à chaque pilote, n'est qu'une illustration parmi d'autres des adaptations techniques poussées à l'extrême, les pilotes n'ayant pas le même gabarit, chaque pièce est destinée à un pilote et ne peut pas être inter-changée. Chaque élément est pensé pour maximiser la connexion entre le pilote et sa machine.
- La Magie des Départs : Le système de départ est une merveille d'ingénierie. Un boîtier de régime moteur (traction control) est affiché sur la bavette avant de la moto. Réglé chaque vendredi en fonction de l'altitude et de la piste, il permet au pilote d'atteindre le régime idéal avant la chute de la grille. Un poussoir sur les suspensions permet de compresser la moto au départ, abaissant son centre de gravité pour une meilleure traction. Ce système se désactive automatiquement au premier freinage appuyé.
Une Gestion des Pièces digne de la Haute Horlogerie
La logistique des pièces est un aspect fascinant de cette organisation. Toutes les pièces utilisées sont minutieusement répertoriées. En fin de saison, l'intégralité du matériel est généralement renvoyée au Japon, où il est stocké avec le plus grand soin. Cette base de données permet aux ingénieurs japonais de réutiliser des conceptions de pièces qui se sont avérées particulièrement efficaces au cours des années précédentes. Chaque pièce est conservée pendant dix ans, assurant une traçabilité et une capitalisation sur l'expérience acquise. Par ailleurs, toute pièce cassée est systématiquement photographiée et répertoriée pour analyse, contribuant à un processus d'amélioration continue.
Michele Lavetti a partagé une anecdote révélatrice : pendant un temps, il lui avait été demandé (par les Japonais) de casser les pièces en fin de saison. Une pratique qu'il n'a effectuée qu'une seule fois dans sa vie. Il lui était impossible de se résoudre à détruire le fruit d'un travail aussi colossal et précis, témoignant du respect profond pour l'ingénierie et l'effort humain derrière chaque composant.
La Sécurité : Un débat constant
La sécurité des pilotes reste un sujet délicat. Les protections ont évolué : les pilotes portent désormais une petite dorsale/plastron qui ne descend pas au-delà du bas du dos (c'est plus joli pour les photos), et les protections de coudes ou les minerves ont été retirées. Certains tests avec des airbags ont eu lieu, mais la protection se limitait au buste. Quant aux minerves, elles ont malheureusement parfois conduit à des fractures de la clavicule lors de chutes violentes, en concentrant la force de l'impact. C'est un équilibre complexe entre la protection et la nécessité de liberté de mouvement pour les pilotes.
Une logistique hors pair
L'efficacité du team ne se limite pas à la performance sur la piste. L'ensemble de la structure, aussi complexe soit-elle, est démontée en seulement 3 heures à 3 heures et demie. Chaque membre de l'équipe connaît parfaitement sa tâche, et tout est rangé avec une précision méthodique, prêt pour le prochain rendez-vous du championnat.
Cette visite du MXGP Kemea Yamaha Team a été une véritable plongée dans l'excellence sportive et technologique. C'est une illustration parfaite de l'engagement total requis pour évoluer au plus haut niveau du motocross mondial, qui m'a été permise par le sponsor officiel du championnat du monde, Monster Ernegy.
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