Fiche moto Massimo TamburiniT12 Massimo 2016 L'héritage d'un roi

Tous les illustres personnages laissent des souvenirs cachés, des projets inachevés, des idées d'envergure. Aujourd'hui encore, on trouve des opéras oubliés, des toiles de maitre perdues ou inconnues dans des greniers, des croquis dans un tiroir. Massimo Tamburini est de ceux-là. Et deux après sa disparition, une sublime sportive, héritage posthume de ce maitre du design, vient lui rendre hommage : la T12.
Ne cherchez pas une quelconque référence. Davantage un besoin de l'absolu ou le point d'orgue d'une carrière. La T12 n'a aucune accointance avec la compétition ou la frénésie d'un marché – il s'agit d'une pistarde sans aucune limite dans sa conception. Cette moto tente jusqu'au bout des jantes d'être reconnue par son maitre, même s'il ne pourra jamais le lui témoigner. Et Massimo serait fier de voir l'aboutissement de son projet. Son fils Andrea a continué l'aventure afin qu'elle puisse prendre forme, vie, et rage. Avec cette machine, le créateur s'était approché de la sportive absolue. Le design est tendu, nerveux, fidèle à l'esprit qui habite chacune de ses créations. Certaines veines du crayon font penser à la MV-Agusta F4. On salue l'arrière particulièrement épuré, qu'aucun appendice ne vient gâcher. Ni plaque, ni feux, ni cale-pieds passager, ni pot d'échappement ; et pour cause : celui-ci fait intégralement partie du sabot. Quelle planque !
Au fait, pourquoi T12 ? Un T pour "Tamburini", et 12 car il s'agissait de son numéro de chance. Coté moteur, les chiffres sont plus effrayants. Comme pour la marque qu'il créa autrefois, Bimota, le propulseur provient d'un autre constructeur. BMW a été choisi, pour son fougueux 4 cylindres qui équipe la S 1000 RR. Il cravache quasi 200 chevaux à l'origine. Mais pour la T12, il subit un traitement de choc afin de l'amener à 230 bourrins. Wahourglll ! La puissance de feu d'une machine de WSBK, contrôlée par une électronique Motec M170.
L'équipe réunie autour de la T12 a travaillé d'arrache-pied pour arriver à un résultat sans pareil. Non seulement la moto est d'une rare pureté. Mais son poids peut provoquer le vertige. A peine plus de 150 kilos sur la balance – 154.5 pour être précis. Une 600 n'arrive pas à les atteindre ; un prototype de MotoGP non plus. L'usage abondant de carbone et autres matériaux nobles a permis ce tour de force. La fibre noire est notamment utilisée pour le carénage, la boite à air, l'admission d'air, la structure du réservoir et la selle auto-porteuse.
Pour la conception du châssis, Tamburini a été très loin, sans doute plus qu'aucun constructeur n'a osé le faire. Il a choisi ce qu'il y avait de mieux pour les composants : une fourche inversée FGR et un amortisseur Öhlins issus du MotoGP mais revus d'après les spécifications de Massimo, des étriers de frein Brembo monoblocs GP4 34/38 taillés dans la masse et reliés à des raccords Stäubli, un maitre-cylindre Brembo PR 19/18 lui aussi de type GP, des jantes Marchesini en magnésium forgé, un monobras oscillant aussi en magnésium. Uniquement du gros top, qui ne saurait être adoubé que par un cadre de haut rang. Et c'est là que le génie s'exprime. Le maestro a conçu et breveté une structure qui va bien au-delà de l'exigence. Il est possible de modifier la rigidité torsionnelle de ce cadre sans changer aucune pièce ! Des pièces mobiles au niveau du treillis en acier permettent cette modularité de la résistance. L'ensemble de ce cadre est constitué également d'une colonne de direction et de platines latérales en magnésium.
Il n'y a pas que la rigidité que l'on peut ajuster. Les suspensions sont réglables dans tous les sens, bien sûr. Mais aussi le pivot du bras oscillant et les platines repose-pieds.
Ce chef d'œuvre met en avant sa technique de pointe, sa fureur mécanique, sa définition stylistique de haute couture, son géniteur de renom... Beaucoup moins son prix. Celui-ci n'a aucune réelle portée, la moto ayant été conçue sans aucune considération marketing ou apparentée. Seule comptait la performance. Son exposition à Monaco pour le Salon Top Marques 2018 dévoile aussi une exception dans l'histoire motocycliste - 1 million de dollars (environ 807 500 euros). Le prix d'un rêve ? Non, c'est indécent. Ôtez le tarif, enlevez les étiquettes, ne jugez pas. Imaginez seulement de succomber.
M.B - Photos constructeur