Dimanche 2 septembre 2018. Dans un peu moins d'une semaine aura lieu de GP de San Marin sur le circuit Marco Simoncelli à Misano Adriatico.
Il est 20h, je vais récupérer mes confrères qui ont fait escale dans un hôtel proche de chez moi. Puisque j'habite entre le siège et le circuit, autant joindre l'utile à l'agréable. Pour moi, c'est de rester un jour de plus à la maison ; pour eux, c'est d'être accueilli et guider pour une bonne soirée.
Demain nous partirons ensemble vers la mer adriatique, mais ce soir, c'est dans un restaurant typique Savoyard que je les emmène découvrir les produits régionaux. Diots, tartiflette, crozets, ils auront goûté à une petite partie de ce qui ce fait dans la région. Une bonne nuit de sommeil pour digérer tout ça, ne leurs fera pas de mal. En ce qui me concerne, je vais retrouver mon lit une dernière fois.
Lundi 8h30 départ pour l'Italie. La Maurienne, le Frejus, Rivoli, Piacenza, Bologne, et vers 18h nous rentrons dans une des plus vieilles républiques du monde : San Marino. Le circuit est situé en pleine ville, c'est donc sur un minuscule parking que nous posons nos camions pour la nuit avant de rejoindre un hôtel situé à une dizaine de km.
Mardi matin, le travail de la journée sera comme tous les mardis sur les circuits, lavage des camions le matin et mise en place pour la semaine l'après midi.
14h, les camions sont propres et garés à l'extérieur du circuit, l'attente commence.
15h30, le camion structure rentre, mais aucune info pour les autres... on attend.
16h00, le premier des trois camions de stockage des allocations pneus est rentré, ça devrait aller vite maintenant..
16h45, ça y est, c'est mon tour. Je remonte une portion de l'avenue centrale de la ville, un rond point, et c'est l'entrée du circuit. Le portail d'entrée est à tout juste 100 mètres des premières habitations. Les voisins doivent être contents par ici quand il y a un grand prix!!!
Je rentre dans l'enceinte, les box sont tout de suite là, je tourne à gauche et me voilà sur notre zone. Le placier me guide, un peu à droite, un peu à gauche, avance, bouge plus...
J'ai 3mn pour décrocher et partir avec mon tracteur afin de laisser la place à un camion du team qui est en face de nous pour qu'il puisse manœuvrer aisément. C'est ainsi que j'ai compris que tout le temps que l'on a passé à attendre dehors, on le doit à des chauffeurs de pacotilles qui mettent un temps fou à se garer et à décrocher. Je comprends mieux également le sourire des placiers quand ils nous voient arriver. Nous ne sommes peut être pas les meilleurs mais vu ce que l'on voit, nous devons être sur le podium. Heureusement que le pilote qu'ils assistent maîtrise mieux sa moto que eux ne maîtrisent leurs camions.
17h30, toutes les remorques sont en place, les tracteurs sur le parking annexe, il ne nous reste plus qu'à rejoindre l'hôtel et direction la plage. En effet notre lieu de résidence est à 200 mètres de la mer, autant en profiter...
Mercredi 9h, tout le monde est d'attaque, aussi bien chez nous que dans les teams. Ce soir, tout doit être monté, installé et prêt à fonctionner.
Depuis Silverstone, j'ai réussi à inverser le sens du montage, cela n'a pas été une mince affaire, mais j'y suis arrivé. Avant nous commencions par les dalles au sol et ensuite nous montions la structure. Maintenant, nous faisons l'inverse, au moins s'il pleut, nous sommes à l'abris pour faire les dalles et s'il faut un soleil de plomb, comme c'est le cas ici, nous sommes à l'ombre..
Donc, la structure, les dalles, les côtés, les machines, les branchements et les essais. Cette nouvelle organisation nous à même fait gagner du temps. D'habitude, nous finissions vers 17h, 17h30 ; maintenant, c'est plus du 16h, 16h15. Ce temps gagné nous permet de faire du tri et du rangement et aussi de faire le tour du paddock.
17h30. Nous pouvons quitter le circuit, les wheels man ont eu l'après midi pour pouvoir contrôler leurs allocations pendant que l'on montait la structure. Tant pis pour les retardataires.
Jeudi 8h30, les racks de jantes sont là, la valse peut commencer, la journée la plus lancinante de la semaine aussi.
Se concentrer sur notre job mais aussi essayer de penser à autre chose, faire le vide pour que la journée passe plus vite. En début de saison, le jeudi était interminable, à force le temps passe plus vite, mais les cinq ou six cent pneus sont toujours à monter et à équilibrer.
16h, la dernière roue est finie, good job comme disent les anglais. A propos d'Angleterre, un souvenir de là bas vient d'arriver : la pluie.... Tout le monde se jette sur son smartphone pour regarder la météo, à priori ce n'est que passager, pourvu que le site ait raison...
20h, je rejoins mes confrères d'outre manche. Un français, quatre anglais dans un restaurant italien, vive l'Europe..
Vendredi 7h30, les premiers contrôles et forcément les premiers ralentissements sont en place ; le circuit étant en pleine ville, il va falloir s'armer de patience ou partir encore plus tôt pour ne pas rester coincer les prochains jours.
8h00 le service est ouvert, il ne nous reste plus qu'à attendre. Normalement, les premiers à venir devraient être les wheels man moto3 sur le coup des 10h, juste après leur première séance d'essais libres.
J'en profite pour prendre le vélo et visiter les alentours. Le Paddock d'abord puis les abords du circuit. Les Italiens sont reconnaissants envers les grands Champions : la rue qui mène à l'entrée principale se nomme via Daijiro Kato, celle adjacente via Gilles Villeneuve, je continue sur ma lancée afin de rejoindre le carrefour maudit, celui qui a vu disparaître le 69, Nicky Hayden, outre le lieu, c'est surtout la stèle érigée en son honneur qui met la chair de poule. Un banc avec le drapeau américain, une immense fresque de 2m de haut sur au moins 20m de long, représentant une bande de film et des photos du Kid du Kentucky, et au beau milieu une stèle en pierre avec une photo du pilote sur sa moto brandissant le drapeau de son pays. Impressionnant, saisissant, magnifique hommage.
9h00 retour au service, les moto3 sont en piste.
10h00 les wheels man arrivent pour faire changer les premiers pneus usés du week end. Viendront plus tard ceux des moto2 puis nos débutants de la Roockies cup.
Le même ballet recommencera l'après midi et dans le même ordre. Quand la pluie ne s'invite pas au spectacle, le roulement des changements est toujours le même...
17h00 alors que nous achevons nos derniers montage/équilibrage, une autre légende du sport moto s'arrête devant notre stand. Mr Giacomo Agostini en personne. Bien entendu, une cohue se forme immédiatement autour de lui, surtout parce que c'est lui et aussi parce que notre structure est située juste en face d'une autre légende, son altesse VR46.
Un de nos confrères collectionneur de maquettes de moto de course s'approche de Mr Ago pour faire signer la reproduction de la MV avec laquelle cet immense pilote fut champion du monde.
Photos souvenirs en nombre viendront clore cette rencontre inattendue mais tant espérée.
Grazie mille Signore Ago.
Puisque c'est une journée chargée en souvenir et en rencontre inhabituelle, autant continuer sur notre lancée.
19h00 le service est fermé depuis une bonne heure, nous décidons avec un collègue de nous rendre dans le village le plus connu des passionnés du motoGP, Tavullia. Là où il y a 10 ans, le maire du village a prit un arrêté inédit au monde à savoir limiter la vitesse à 46 km/h en hommage à son plus illustre habitant, Valentino Rossi. La visite est encore plus sidérante que prévu, tout est à l'effigie du dieu italien, les panneaux, les magasins, les bars, les restaurants, les rues, le grand mur qui surplombe une des places du village est même couvert d'un immense drapeau jaune. Il aurait été dommage de raté cela en étant qu'à 13km...
Malheureusement pour nous, nous ne pouvons rester tard avec tous ses tifosis, le samedi c'est jour de qualifs et hors de question de ne pas être frais et dispo...
Chronique précédente : En attendant Misano, préparons l'Asie.
