Le rachat du MotoGP par Liberty Media, propriétaire de la Formule 1, entre dans une phase critique alors que la Commission européenne s'apprête à examiner un accord évalué à 3,5 milliards d'euros. Si cette acquisition promet de réunir sous une même bannière les deux plus prestigieux championnats de sport mécanique, elle soulève également d'importantes questions sur le plan de la concurrence et de la régulation. Ce jeudi 19 décembre est censé marquer une étape clé.
Liberty Media en MotoGP : une opération de grande envergure, qui dure...
Annoncé le 1ᵉʳ avril 2024, le rachat, par Liberty Media, de 86 % des parts de Dorna Sports détenteur des droits commerciaux du MotoGP a immédiatement suscité l'intérêt des observateurs. L'accord valorise Dorna à 4,2 milliards d'euros, en tenant compte des 14 % de parts restantes qui demeureront entre les mains de sa direction actuelle. Toutefois, malgré l'optimisme affiché au printemps, les procédures réglementaires se révèlent plus complexes que prévu.
Greg Maffei, PDG de Liberty Media, en avril dernier :
Nous pensons que le marché des sports et du divertissement est suffisamment vaste pour accueillir à la fois la Formule 1 et le MotoGP comme divisions distinctes.
Cette assurance pourrait vaciller face à l'examen minutieux des autorités européennes...
Teresa Ribera : un rôle déterminant dans l'évaluation du dossier Liberty Media
L'arrivée de Teresa Ribera à la tête de la Commission européenne pour la concurrence, au 1ᵉʳ décembre 2024, ajoute une nouvelle dimension à ce dossier. Ancienne vice-première ministre espagnole, Ribera connaît bien l'importance culturelle et économique du MotoGP, particulièrement dans son pays natal, où ce sport jouit d'une immense popularité.
Sa prise de fonction coïncide avec une vigilance accrue sur le risque de concentration dans les domaines de la télédiffusion et des plateformes de streaming. En effet, l'acquisition simultanée des droits commerciaux de la F1 et du MotoGP à compter de 2025, par une seule et même entité, pourrait limiter la concurrence sur ces marchés.
Précédents historiques : le cas de CVC Capital Partners
Ce n'est pas la première fois qu'un tel schéma se pose. En 2006, CVC Capital Partners avait dû céder ses parts dans le MotoGP pour pouvoir finaliser l'acquisition de la F1, sous l'injonction de l'Union européenne. Ce précédent alimente aujourd'hui les spéculations sur l'issue de l'affaire Liberty Media.
Une fin d'année sous tension ?
On peut s'attendre à ce que ce 19 décembre marque une étape clé : Liberty Media doit soumettre de nouveaux documents à Bruxelles pour répondre aux préoccupations soulevées par les régulateurs. Cependant, il semble peu probable que la Commission européenne rende son verdict avant la fin de l'année, retardant ainsi la prise de contrôle effective de Dorna Sports.
En parallèle, la société américaine a déjà mobilisé d'importants fonds pour financer l'opération, notamment via la vente d'actions dans la F1 pour un montant de 825 millions d'euros, l'été dernier. Ce retard pourrait mettre à mal la stratégie de Liberty Media, si les autorités européennes venaient à imposer des conditions similaires à celles appliquées à CVC en 2006.
Loin d'être une formalité, l'accord dépendra donc en grande partie de l'approche adoptée par la nouvelle commissaire, Teresa Ribera. Pour Liberty Media, il s'agit non seulement de convaincre les régulateurs, mais aussi d'éviter que cette opération ne devienne un nouveau cas d'école dans les annales du droit européen de la concurrence. Au-delà des défis rencontrés par KTM, c'est l'avenir du MotoGP dans son ensemble qui reste conditionné à l'approbation de l'Union européenne.
Crédits photo principale : MotoGP