Fiche moto Brough SuperiorSS 100 MK2 2023 Art motocycliste
Contrairement aux constructeurs de gros calibre, une petite marque de prestige n'a pas les mêmes enjeux au moment de faire évoluer un modèle. Les études de marché, les volumes de production, les délais de livraison... tout cela passe au second plan lorsque l'on doit retoucher une noble création comme la S.S. 100.
Brough s'y est pourtant attelé. Avec soin, légèreté et détails. Comme s'il fallait recoudre les dentelles d'un porte-jarretelles à même la peau.
C'est ainsi que l'on peut identifier la retouche des attaches de réservoir, a présent inclinés pour donner une impression de dynamisme. Un élan qui a aussi dicté la forme des nouveaux garde-boues avant et arrière. A contrario, les bords du phare s'arrondissent timidement. Les échappements veulent une nouvelle identité en arborant une forme conique ; et suffisament élancés pour édulcorer une augmentation de taille notable.
Une mise à jour plus "visuelle" que celle de 2018, où la franco-anglaiseà plier le frein devant l'ABS obligatoire. Mais toutes ces considérations sont presque illusoire une fois le passionné face à ce moment de luxe bâti sur une légende.
L'industrie motocycliste anglaise fut l'une des palpitantes du siècle dernier. Si aujourd'hui il ne reste qu'un seul constructeur d'envergure, Triumph, et quelques marques teintées de parcours remarquables (Norton, Ariel, Matchless,...), le passé est tout autre. L'aube du XXème siècle a vu l'affrontement des BSA, Vincent, AJS, Velocette, Triton et tant de manufactures. L'empire britannique a vu naitre des centaines de marque. Et parmi elles, l'une s'est distinguée bien davantage. Brough Superior. Avec ses modèles de très haute qualité, des performances de premier plan, une production réduite et fignolée telles des Rolls-Royce, et un ambassadeur d'exception (T.E Lawrence), la marque fondée par Georges Brough figure au panthéon des grands noms motocyclistes.
Un nom qui se mâche comme un whisky râpant l'accent d'un lord anglais. Cependant, ce n'est pas dans les faubourgs de Nottingham que le goût refait surface. Un certain Mark Upham racheta la marque en 2008 et porta sa confiance sur une entreprise bien loin de la grande île. C'est la société Boxer Design qui depuis prend en main le développement de la nouvelle SS100. Un excellent choix, car l'entreprise française de Thierry Henriette n'en est pas à son coup d'essai pour faire de belles créations. La VB1, ça vous dit quelque chose ?!? La FB Mondial Nuda, la SSR 1000, La Superbob, des collaborations avec Honda, Suzuki, Voxan... Arrêtons là pour contempler la Brough Superior du XXIème siècle.
Il fallait faire les choses bien ; le résultat est au-delà. La SS100 est une réalisation entre la moto et l'œuvre d'art. Une passerelle entre le temps et la solennité. Tout a été travaillé dans un esprit de créativité, d'hommage et de magnificence.
Il lui faut un moteur, et un beau. Pas d'ailettes, de technologie d'autrefois ou rappelant les mécaniques de l'entre-guerre. Les Brough étaient des motos à la recherche de perfection. Celle-ci doit continuer. Un gros V-twin est obligatoire, comme sur l'inspiratrice. Le bloc ici présent est ouvert à 88°, construit tel un moteur moderne avec refroidissement liquide, double ACT, 4 soupapes par cylindre, injection et tout le toutim – mais surtout, il se regarde tel le travail d'un artisan. Comme si un passionné avait passé toutes ses soirées à le fignoler, le meuler, le poncer, le rendre précieux comme une partie de son âme. Mais ce n'est pas à un maitre du soir que l'on doit ce bloc. C'est Akira, une autre boite française, qui a beaucoup collaboré avec Boxer pour créer le propulseur. Il sort 102 chevaux à 9 600 tr/mn et un couple de 8,9 mkg à 7 300 trs
Des valeurs certes classiques pour un V2 de 997 cm3. Ducati a fait bien mieux avec ses 999. Mais la SS100 ne joue pas l'arène des Superbikes. Elle s'exprime dans les joutes de l'aristocratie. Seule fausse note, des durites pas assez planquées, dénotant au milieu des pièces usinées dans la masse.
Son châssis en est tout autant digne. Il aime le titane, et bien peu de modèles dans la production actuelle se gavent de ce matériau noble. Le moteur ayant une fonction porteuse, les concepteurs ont pu concevoir un cadre treillis tubulaire en titane minimaliste et surtout invisible. La mécanique en est ainsi totalement exposée au regard. Sur son dos, un immensément longiligne réservoir en aluminium est maintenu par des sangles métalliques du plus bel effet. Superbe, tout simplement.
Un gros et unique compteur prend place devant le guidon bas. La vitesse est prioritaire, avec une préférence pour les Miles/heure. Une aiguille pour maitresse, un petit écran digital pour valet, des pulsations pour palpiter. Et de la technique pour fantasmer.
Plutôt que de chercher une certaine facilité avec une fourche inversée, la Brough affirme sa noblesse et son exception culturelle avec un train avant triangulé de type Fior. La conception ? Un double triangle construit dans un alliage de magnésium et d'aluminium vient prendre la roue tel un bras oscillant. Cette fourche particulière se contente d'assurer le guidage. Les triangles de soutien sont eux en titane. Pour l'amortissement, un amortisseur Öhlins s'installe au milieu de cette colonne de direction. De par cette cinématique, l'amortissement travaille de façon indépendante et se voit moins soumis aux contraintes de l'effet de plongée.
Quand au bras oscillant arrière, très belle pièce également, il reçoit un double renfort, en haut comme de bas et profite de la même oligarchie que le train avant. Fabriqué en alu-magnésium et amorto Öhlins de concert.
Contrairement à la mode qui réinvente le passé, la SS100 n'y jette qu'un clin d'œil pour assoir son futur. Le phare rond pour faire vintage ? Pas sûr. On n'y voit que du modernisme avec une réelle complexité et de larges missions pour le jeu de LEDs. Seules les roues de 18 pouces semblent conventionnelles dans cet univers, éventant une symbolique de rayons avec ses 18 bâtons.
Du spectaculaire, du haut de gamme, et de l'exigence – tout cela s'évertue sur le train avant. En plus de sa fourche, la SS100 exige du mirifique pour son freinage. Trouvera-t-on du Brembo Stylema ? Des disques en carbone ? Non, plus interpellant. Beringer est à l'honneur, Brough ayant opté pour son système 4D. Avec ses petits disques de 230 mm, cet ensemble est censé rappelé les tambours d'autrefois. Coté prestations, l'équipementier revendique une efficacité supérieure, une inertie gyroscopique 3 fois plus faible, un poids moindre ; et question look, l'effet décalque avec ces double-disques par étrier. Chacun accueille 4 pistons et 3 plaquettes. Pour l'arrière, un disque simple de 230 mm, pincé par un étrier à 2 pistons habillement planqué à l'intérieur du bras oscillant.
A la manière d'Avinton, d'Ecosse ou de marques confidentielles, Brough n'entend pas faire de la moto mais de la joaillerie motorisée. Un éclair au firmament de l'histoire moto, rêvant des recoins les plus somptueux pour poser ses roues.
M.B - Photos Constructeur