Fiche moto Brough SuperiorSS 100 2017 Art motocycliste
L'industrie motocycliste anglaise fut l'une des palpitantes de l'histoire. Si aujourd'hui il ne reste qu'un seul constructeur d'envergure, Triumph, et quelques marques teintées de parcours remarquables (Norton, Ariel, Matchless,...), le passé est tout autre. L'aube du XXème siècle a vu l'affrontement des BSA, Vincent, AJS, Velocette, Triton et tant de manufactures. L'empire britannique a vu naitre des centaines de marque. Et parmi elles, l'une s'est distinguée bien davantage. Brough Superior. Avec ses modèles de très haute qualité, des performances de premier plan, une production réduite et fignolée telles des Rolls-Royce, et un ambassadeur d'exception (T.E Lawrence), la marque fondée par Georges Brough figure au panthéon des grands noms motocyclistes.
Avec l'engouement pour le rétro et les machines de prestige, le temps est venu pour son retour. Le premier envol de cette résurrection se fera avec la SS100, une moto luxueuse reprenant les canons d'une ancêtre portant le même nom. Et ayant connu le destin du célèbre Lawrence d'Arabie.
Un nom qui se mâche comme un whisky râpant l'accent d'un lord anglais. Cependant, ce n'est pas dans les faubourgs de Nottingham que le goût refait surface. Un certain Mark Upham racheta la marque en 2008 et porta sa confiance sur une entreprise bien loin de la grande île. C'est la société Boxer Design qui depuis prend en main le développement de la nouvelle SS100. Un excellent choix, car l'entreprise française de Thierry Henriette n'en est pas à son coup d'essai pour faire de belles créations. La VB1, ça vous dit quelque chose ?!? La FB Mondial Nuda, la SSR 1000, La Superbob, des collaborations avec Honda, Suzuki, Voxan... Arrêtons là pour contempler la Brough Superior du XXIème siècle.
Il fallait faire les choses bien ; le résultat est au-delà. La SS100 est une réalisation entre la moto et l'œuvre d'art. Une passerelle entre le temps et la solennité. Tout a été travaillé dans un esprit de créativité, d'hommage et de magnificence.
Il lui faut un moteur, et un beau. Pas d'ailettes, de technologie d'autrefois ou rappelant les mécaniques de l'entre-guerre. Les Brough étaient des motos à la recherche de perfection. Celle-ci doit continuer. Un gros V-twin est obligatoire, comme sur l'inspiratrice. Le bloc ici présent est ouvert à 88°, construit tel un moteur moderne avec refroidissement liquide, double ACT, 4 soupapes par cylindre, injection et tout le toutim – mais surtout, il se regarde tel le travail d'un artisan. Comme si un passionné avait passé toutes ses soirées à le fignoler, le meuler, le poncer, le rendre précieux comme une partie de son âme. Mais ce n'est pas à un maitre du soir que l'on doit ce bloc. C'est Akira, une autre boite française, qui a beaucoup collaboré avec Boxer pour créer le propulseur. Nativement, il sort 100 chevaux à 9800 tr/mn. Mais à la demande du client, on peut lui greffer une autre ECU qui porte la puissance à 130 bourrins bien plus tôt, à 8000 trs. Le couple est encore plus gagnant, passant de 9.1 mkg/7450 trs à 12.2 mkg/6400 trs. Pour un usage sur circuit uniquement.
Des valeurs certes classiques pour un V2 de 997 cm3. Ducati a fait bien mieux avec ses 999. Mais la SS100 ne joue pas l'arène des Superbikes. Elle s'exprime dans les joutes de l'aristocratie. Seule fausse note, des durites pas assez planquées, dénotant au milieu des pièces usinées dans la masse.
Son châssis en est tout autant digne. Il aime le titane, et bien peu de modèles dans la production actuelle se gavent de ce matériau noble. Le moteur ayant une fonction porteuse, les concepteurs ont pu concevoir un cadre treillis tubulaire en titane minimaliste et surtout invisible. La mécanique en est ainsi totalement exposée au regard. Sur son dos, un immensément longiligne réservoir en aluminium est maintenu par des sangles métalliques du plus bel effet. Superbe, tout simplement.
Un gros et unique compteur prend place devant le guidon bas. La vitesse est prioritaire, avec une préférence pour les Miles/heure. Une aiguille pour maitresse, un petit écran digital pour valet, des pulsations pour palpiter. Et de la technique pour fantasmer.
Plutôt que de chercher une certaine facilité avec une fourche inversée, la Brough affirme sa noblesse et son exception culturelle avec un train avant triangulé de type Fior. La conception ? Un double triangle construit dans un alliage de magnésium et d'aluminium vient prendre la roue tel un bras oscillant. Cette fourche particulière se contente d'assurer le guidage. Les triangles de soutien sont eux en titane. Pour l'amortissement, un amortisseur Öhlins s'installe au milieu de cette colonne de direction. De par cette cinématique, l'amortissement travaille de façon indépendante et se voit moins soumis aux contraintes de l'effet de plongée.
Quand au bras oscillant arrière, très belle pièce également, il reçoit un double renfort, en haut comme de bas et profite de la même oligarchie que le train avant. Fabriqué en alu-magnésium et amorto Öhlins de concert.
Contrairement à la mode qui réinvente le passé, la SS100 n'y jette qu'un clin d'œil pour assoir son futur. Le phare rond pour faire vintage ? Pas sûr. On n'y voit que du modernisme avec une réelle complexité et de larges missions pour le jeu de LEDs. Seules les roues de 18 pouces semblent conventionnelles dans cet univers, éventant une symbolique de rayons avec ses 18 bâtons.
Du spectaculaire, du haut de gamme, et de l'exigence – tout cela s'évertue sur le train avant. En plus de sa fourche, la SS100 exige du mirifique pour son freinage. Trouvera-t-on du Brembo M50 ? Des disques en carbone ? Non, plus interpellant. Beringer est à l'honneur, Brough ayant opté pour son système 4D. Avec ses petits disques de 230 mm, cet ensemble est censé rappelé les tambours d'autrefois. Coté prestations, l'équipementier revendique une efficacité supérieure, une inertie gyroscopique 3 fois plus faible, un poids moindre ; et question look, l'effet décalque avec ces double-disques par étrier. Chacun accueille 4 pistons et 3 plaquettes. Pour l'arrière, un disque simple de 230 mm, pincé par un étrier à 2 pistons habillement planqué à l'intérieur du bras oscillant.
La Brough Superior SS 100 du renouveau ne sera fabriquée qu'à 300 exemplaires. Qui trouveront preneur sans aucun problème malgré son tarif élitiste. La lady sera proposée en trois niveaux de finition :
- Traditionnal : c'est celui se rapprochant le plus de l'esprit d'origine de la SS100. Une déco mêlant le noir, l'or et l'argenté. Les roues, la fourche, le cadre, le bras oscillant et le dessus du réservoir sont peints en noir. Les étriers de frein sont anodisés couleur métal
- Full Black : Cette finition est davantage inspiré par l'historique des compétitions où les Brough se sont illustrées. Le noir est présent de partout, des étriers de frein jusqu'au bras oscillant en passant par les carters, le cadre, la fourche, la selle, les roues et le réservoir. Seules ses sangles en métal échappent à la nuit.
- Titanium : Une approche plus high-tech, mettant en valeur les plus belles pièces de la moto. Le titane du châssis et de la suspension est délaissé de peinture pour l'admirer totalement. Les jantes sont polies. Une peinture gris anthracite est posée sur la fourche, le bras oscillant, les garde-boues avant et arrière, le réservoir et la housse de siège. Les étriers de frein sont anodisés au titane.
De quoi hésiter jusqu'à vouloir les trois. A la manière d'Avinton, Brough n'entend pas faire de la moto mais de la joaillerie motorisée. Un éclair au firmament de l'histoire moto, rêvant des recoins les plus somptueux pour poser ses roues.
M.B - Photos Constructeur