Fiche moto Ducati851 1989 L'arme de Ducati
Nous sommes au printemps 1988.
D'ici quelques jours, quelques centaines de veinards vont pouvoir s'offrir un rêve. En effet, l'usine Ducati s'apprête à commercialiser ni plus ni moins que la version civile de la moto de Lucchinelli. Oui, la 851 débarque sur nos routes. 300 exemplaires en version standard et 200 compé-clients seront fabriqués pour cette année. Plus qu'une moto, c'est une nouvelle ère qui s'ouvre pour l'usine de Bologne.
Le pari est osé mais le constructeur s'en donne les moyens. Pour contrer l'armada japonaise de 4 cylindres 750, l'italien a développé un twin de haute technicité. Le ô combien symbolique et efficace système de distribution desmodromique est conservé mais il s'agit maintenant du desmoquattro. Entendez par là qu'il s'agit d'une culasse à 4 soupapes par cylindre. Il y a donc 2 fois plus de basculeurs (8 par cylindre) et ce n'est pas le plus gros des efforts. Ce twin qui sort plus de 100 ch à l'embrayage (très fort pour un twin) est alimenté par un jeu de double injecteur Weber par cylindre piloté par une électronique Magneti-Marelli. Bon courage pour accorder tout ça. L'admission a fait l'objet d'un travail très poussé. Les 2 prises d'air fixées de part et d'autre du phare alimentent la boite à air via de gros tuyaux raccordés à des conduits d'admission inversés. Ensuite, c'est aux injecteurs de jouer. 1 seul fonctionne dans les bas et mi-régimes puis le deuxième se met en route dans les hauts régimes. Enfin, lerefroidissement devient liquide, gage d'une meilleure régularité thermique et d'une diminution des bruits mécaniques. L'âme de cette Ducati, c'est tout simplement le twin le plus évolué et le plus compétitif disponible actuellement.
La version « Production » compé-client se distingue de la Strada par ses ACT plus méchants et une foule de spécificités : chambres de combustion, taux de compression, diagrammes de distribution, allumage, soupapes et réglages de l'injection sont différents. Ainsi préparé, le bicylindre sort 110 ch... à la roue arrière ; on gagne aussi 1 000 tours de régime soit 10 000 trs (le moulin standard rupte à 9 000).
Un petit bijou pareil ne saurait se contenter d'un vulgaire cadre style simple berceau dédoublé. Non, le châssis de la 851 est un modèle de race. Son cadre est typiquement Ducati : un fin et rigide treillis tubulaire en acier au chrome/molybdène, tellement serré au moteur qu'il n'y a plus d'espace pour glisser une feuille de papier. Sur la moto, toute la place disponible est optimisée. N'espérez pas pouvoir transformer le dosseret de selle pour y poser votre moitié. En dessous se dissimule la batterie et l'électronique embarquée. Moto d'exception, moto d'égoïste.
Moto impressionnante, qui réveille l'instinct autant que les sens. On l'admire avant tout, le regard détaillant tour à tour sa ligne svelte et évocatrice. Pas de gadget ni de tape à l'oeil, juste le souci de l'efficacité. Une belle machine, seulement entaché par des échappements ingrats et une déco très "italienne" ; il faut aimer. Au-delà de ce maquillage, l'amateur comme le passionné se délectera à l'attention du bras oscillant renforcé vers le bas et directement ancré sur les carters moteur, aux étriers de frein Brembo double piston, à la finition du châssis, au minimalisme de l'instrumentation - compte-tours, compteur, température d'eau, c'est tout. Sobriété et efficacité, la 851 est une sportive qui charme.
Et qu'elle est fine cette moto ! Une fois à bord, on est surpris de cette étroitesse. L'ambiance est sport, avec des jambes très repliées et le buste sur l'avant. Rien d'exagéré car on attrape naturellement les demi-guidons placés près du pilote.
Mise en route. On va découvrir la nature de la moto. Loin d'être violent, le twin enroule dans les bas régimes puis envoie une louche de couple vers 3 500 trs. Il faut quand même attendre les 6 000 trs pour voir débarquer le troupeau de chevaux ; qui deviennent encore plus nerveux au dessus de 8 000 trs. Il vous reste encore 1 000 trs pour en profiter, après, on coupe.
Gaz en grand, on tire les rapports. OK, ça pousse sérieusement. Pas de manière spectaculaire mais suffisamment pour avoir sa dose de sensations. C'est bien beau tout ça mais à l'approche du virolo à 180°, faudrait peut être penser à freiner... Aucun problème pour les Brembo qui offrent un excellent feeling et une endurance encore meilleure. Ils sont un peu juste en puissance pour le circuit mais conviennent très bien sur route. Durant tout le freinage, la Ducat’ ne bouge pas. Pas plus dans les grandes courbes ou dans les difficultés techniques. La 851 use à merveille de sa rigidité et de l'efficacité de son châssis. Trop bon ! Mais gaffe à l'optimisme. Une bonne courbe avalée un peu trop vite suivi d'un freinage car le virage se referme... obligé de prendre le levier droit pour négocier correctement le tournant et... la machine n’aime pas ça et vous bouzille votre tajectoire. Voici la principale tare de la machine : en empoignant les freins lorsque la moto est sur l'angle, celle-ci vous communique sa désapprobation en se relevant. Tenir sa trajectoire devient exagérément coriace.
Une fois sur route, la bolognaise a de quoi tenir la dragée haute face aux japonaises de 3/4 de litre. Son agilité relayée par son superbe moulin la rendent redoutable sur les départementales tourmentées. Ajoutons à son crédit un confort convenable et une protection plus que correcte. Par contre, comme toute sportive qui se respecte, elle braque aussi bien qu'une péniche.
Dotée d'un très fort potentiel, la Ducati 851 est bien plus qu'enthousiasmante. C'est un joyau du même rang que la Honda RC 30. En réalité, une machine d'exception, comme le confirme son prix. Plus de 10 briques en version de base. Ce tarif toxique condamne la 851 à ce sort : c'est un rêve qui ne restera pour beaucoup qu'un rêve.
N.D.L.R : Quel a été le destin de la 851 ? C'est bien simple : c'est la mère d'une dynastie prestigieuse. Sa descendance, les 888, 916, 996, 998 et 999 gagneront la majorité (presque tous) des titres du championnat du monde Superbike.
Les prix des différentes versions :
- version street : 117 520 F (± 17 900 €)
- version racing : 178 880 F (± 25 270 €)
- version Lucchinelli : 254 000 F (± 38 720 €)
M.B
(photos internet)
Note : 5/5 Répondre à Chimhr