Fiche moto Foggy PetronasFP1 900 2003 L'écueil de l'ambition
L'aube des années 2000 a vu naitre une belle escadrille de sportives de tous genres et de tous horizons. Les princesses du Superbike, où de grands constructeurs comme de plus petits voulaient marquer ce territoire et les performances. Honda, Kawasaki, Yamaha, Suzuki... mais aussi Bimota, Ducati, Aprilia, Benelli ont engagé leurs forces dans ces joutes d'hommes et de mécaniques.
Et puis, un nouvel acteur s'est enrôlé, plein d'ambitions et de projets. Une totale surprise, car c'est un pétrolier qui s'est lancé dans l'aventure. Le chrono vient de s'enclencher sur le XXIème siècle, poursuivi par Petronas et sa 900 FP1. Mais partir de zero pour concevoir et aligner une moto dans l'un des plus relevés championnats de la planète, c'est un challenge colossal... même pour la plus grosse entreprise de Malaisie.
Au commencement du projet, Petronas visait la catégorie reine. Rien de moins que d'aller batailler en MotoGP. Un sacré défi. La société de Kuala Lumpur n'ayant aucune expérience dans le domaine, elle décide de développer son prototype en partenariat avec la société Sauber, du monde de la Formule 1. Mais rapidement, le choix est fait de s'engager plutôt en Superbike. Sauber se désengagera alors de l'affaire.
Pour avancer avec un homme d'expérience, elle fait appel au multiple championnat du monde Carl Fogarty. Généreusement subventionné, celui-ci crée sa structure Foggy Petronas Racing pour faire courir les bécanes. Mais avant, il y a du boulot.
Réglementation oblige, il faut revoir la cylindrée du moteur et construire la moto en (petite) série pour l'homologation. Petronas fait donc fabriquer 150 exemplaires, le minimum requis, dont une centaine sera mis en vente.
En WSBK à cette période, c'est encore le temps des 750 cm3 4-cylindres face aux twins de 1000 cm3 – plus pour longtemps. Le règlement prévoit une cylindrée intermédiaire de 900 cm3 pour les 3 cylindres, quasi inexistant. Benelli est déjà dans le segment avec 900 Tornado. La FP1 va-t-elle s'en inspirer ?
Pas vraiment. Le développement du moteur est récupéré par Suter, qui va devoir en repensé une grosse partie. Le travail est compliqué, les délais courts, mais le 3 cylindres prend forme. Etrangement, il est incliné vers l'arrière. Cette disposition originale n'est pas la seule particularité. Le positionnement inversé de la culasse oblige le système d'admission à s'installer à l'avant tandis que les tubulures d'échappement sont derrière. En configuration Superbike, le bloc parvient à sortir 185 chevaux. En piste, il crache le feu... au sens propre du terme.
La moto ira en championnat, mais tout de suite désavantagé car le règlement change en 2003, autorisant tous les moteurs à cuber 1000 cm3 maximum quel que soit le nombre de cylindres. La FP1 doit cependant honorer son engagement d'une production. La société anglaise MSX International est sollicitée pour fabriquer les 75 premiers exemplaires. L'autre série sera produite par Modenas, en Malaisie.
Une fois adapté à un usage civil, le moteur délivre 127,4 chevaux à 10 000 tr/mn. Une valeur inférieur à la Benelli ou à une VTR-SP2 de l'époque mais suffisamment pour répondre aux Ducati 999 et Aprilia RSV 1000 R. Cas à part, la 955 Daytona de Triumph ne joue pas dans la même cour.
Le curieux bouilleur à trois pattes, s'installe dans un cadre beaucoup plus conventionnel. Un élément périmétrique à double longerons fabriqué en aluminium, comme chez la concurrence japonaise. Les suspensions sont confiées à Öhlins, avec une fourche inversée de 43 mm et un amortisseur arrière tous deux réglables de partout. Un amortisseur de direction est présent, également d'origine suédoise. Le freinage est assuré par Brembo. A l'avant, on trouve des disques de 320 mm mordus par des étriers à 4 pistons. Hélas, ils ne bénéficient pas de la fixation radiale comme sur le modèle de course.
Comme sur tout modèle de haut rang, on ne badine pas avec les beaux éléments. Les jantes sont des OZ Racing en aluminium forgé, le carénage est en carbone et le réservoir en aluminium. L'échappement sous la selle éructe à travers 3 sorties, histoire de rappeler le type de moteur qui bout là-bas dedans. En revanche, le tableau de bord n'inspire guère d'enthousiasme ; à peine plus fringuant que celui d'un vélo d'appartement.
Cette FP1 est né dans l'envie de briller, poussée dans sa genèse par la force d'une montagne d'argent. Mais son destin est digne de figurer dans les X-Files. Après quelques saisons peu reluisantes en WSBK, les motos tombent dans l'oubli. Jusqu'à qu'en 2010, on retrouve un entrepôt perdu dans l'Angleterre... où dorment 60 modèles sur les 75 qui devaient partir en Malaisie. Ceux-ci n'ont manifestement jamais quitté le territoire.
Le tarif annoncé était de 45 000 dollars. Aujourd'hui, il est possible de voir – rarement - des FP1 dans des ventes aux enchères. Moto au destin inachevé, elle porte sur elle une aura mélangeant le mystère, l'errance, et une certaine fascination.
M.B
Photos : avec l'exceptionnelle autorisation de Bonhams / D.R.