Une soirée à Prague
C’est la crise. Une période délicate pour les portefeuilles, les perspectives d’avenir, le quotidien ; et paradoxalement une aubaine pour le luxe. Ferrai et Louis Vuitton se portent à merveille, la Ducati Streetfighter V4 Lamborghini s’est vendue en quelques minutes, les séries spéciales à prix d’or se multiplient, et de vieilles marques disparues renaissent pour apporter au marché une nouvelle dose de haut de gamme.
C’est le cas de Praga. Qui n’avait pas vraiment disparu mais ne fabriquait plus de motos depuis des dizaines d’années. La résurrection se matérialise avec la ZS 800, un roadster rétro au raffinement affirmé.
La marque tchèque ne s’étant soumis aucune perspective d’industrialisation à grande échelle, elle a pu laisser libre court à ses envies. Rien de raisonnable, que du délicat digne d’un artisan très qualifié. Regardez les roues. Elles sont en carbone, entièrement en carbone – j'insiste car même les rayons sont composés de ce matériau. La ZS 800 a ainsi plusieurs surprises dans son escarcelle.
Cette Praga puise son inspiration dans l’ancienne BD 500, la plus connue des motos de l’entreprise. Les clins d’oeil au passé se multiplie, avec l’utilisation de techniques modernes sur des aspects nostalgiques. Le train avant est ainsi réinterprété, en conservant l’usage d’une fourche Girder construite dans un bel acier chrome-molybdène et associé à un amortisseur Öhlins ; lequel est pourvu d’un ressort en titane. Chose surréaliste, le freinage est assuré par des tambours. Deux cloches de 200 mm de diamètre, la proue officiant avec deux cames internes, et une seule pour l’arrière. Ça a de la gueule, mais coté efficacité, mieux vaudra ne pas être trop exigeant.
Ce ne sont pas non plus des systèmes ressortis d’une veille pétoire. Leur surface est soigneusement travaillée et la commande est hydraulique. Du Beringer en l’occurrence.
Comme il n’y en pas beaucoup (voir un seul à la connaissance), la question a vite été tranchée. Ce sera un moteur Kawasaki. Le bloc de la W800 s’est imposé de lui-même : la distribution correspondante, un aspect classic, le sérieux d’un grand constructeur – tout concorde pour Praga.
La ZS pourra ainsi “poupoumer” à la vitesse des 50 chevaux et des 6,7 mkg que peut lui fournir le bicylindre parallèle de 773 cm3.
Comme beaucoup de motos de l’ancien temps, la BD 500 avait des ressorts sous la selle pour assurer un certain confort. Sa descendance ZS 800 a aussi une assise suspendue sauf qu’un amortisseur Öhlins TTX a remplacé les ellipses de métal.
Un porte-paquet en carbone est installé, dans lequel sont moulés les clignos à LEDs. Le titane a aussi une belle place, avec son utilisation pour les vis, axe et écrous du moteur comme du cadre ; ains que pour le système d’échappement. Les ouvriers passent environ 300 heures à usiner ces pièces pour chaque meule.
Quelques temps après l’exercice de style Regina Evo 600 de Horex, une autre marque investit le moto-fashion-premium-style. Les deux protagonistes partagent le coté d’un aspect et de matières luxueuses, d’un patronyme bourgeois et d’une motorisation bien moins spectaculaire que l’écrin. La rareté faisant partie du pedigree, la Praga ZS 800 ne sera produite qu’à 28 exemplaires. Le prix supporte l’envie : 86 000 euros pour cette revival ! Et encore, hors taxe. Cela nous fait l’engin a peu plus de 100 briques.
Surtout, enfin, les esthètes possesseurs européens n’auront normalement pas le droit de rouler avec. La Praga n’est pas dotée de l’ABS, obligatoire sur les motos depuis 2017. Une belle moto pour une collection, mais est-ce sa volonté de finir immobile sur une estrade ou en promenade dans quelques démonstrations isolées !?!