Fast or Furious...
Quand je vous dis moto américaine, vous pensez Harley-Davidson. Si je précise moto sportive américaine, vous désignez Buell. Et s’il faut trouver une hypersport américaine, de la veine des GSX-R et autres ZXR ? Ben voila, y a pas grand-chose. Jusqu’à cette V-Roehr 1250 SC. Enfin, les States ne produisent plus seulement des pilotes de talents ; elles fabriquent également ses pistardes… en petite diffusion. Car la V-Roehr n’est pas une machine de grande série fabriquée par un gros constructeur. On est plutôt en présence d’une moto de passionné, qui sera construite à quelques dizaines d’unités par an, à l’instar de Bimota… non, plutôt Vertemati, Borile…
Vous avez là une pure américaine, mais dont la conception s’apparente plus aux méthodes de Bimota ou feu Mondial. D’ailleurs, ne trouvez pas qu’il y a de faux airs de 1000 Piega… ? Et le cadre, ne vous rappelle t’il pas les longerons des SB8K ? Parée à la course, campée sur ses jantes Marchesini, la V-Roehr est racée, comme il se doit pour une machine de son acabit. Mais le style ne provoque pas le frisson. La 1250 SC semble puiser ses gênes de design dans les grandes références, sans trouver sa personnalité propre. Avec des entrées d’air et ses doubles phares superposés, le tête de fourche semble un mix de Yamaha R1 et de Mondial Piega précédemment citée. Avec son monobras et ses pots sous la selle, la coque arrière en carbone ne manque pas d’élégance et de finesse, et nous rappelle furieusement l’arrière d’une R1 ou d’une MV-Agusta F4. Si l’identité visuelle en souffre, la manière dont est conçue la V-Roehr nous parait bien plus alléchante.
Pourquoi je vous parle de méthode de conception? Parce que si on en revient aux deux constructeurs italiens de tout à l’heure, Bimota et Mondial, leurs châssis sont faits maison mais les moteurs proviennent de l’extérieur (Suzuki, Yamaha, Ducati, ou Honda). Le gros twin liquide de la V-Roehr vient de Milwaukee, c’est-à-dire dans l’Etat juste à coté. Les ricains, y font du ricain. Le patriotisme leur est chevillé au corps, et pour motoriser l’une des très rares hypersports américaines, Roehr a pris un cœur du pays. Un gros cœur ouvert à 60°, avec 4 soupapes par cylindre, des cotes super-carrés… Une mécanique qu’on connait déjà, car elle provient de la fameuse V-Rod, le custom boulversifiant de Harley.
Les superbikes japonaises et italiennes n’en sont pas inquiètes. Le bicylindre sort 125 ch – les meilleures lames du plateau sont toutes au-delà des 170 canassons. Croyez-vous que les ateliers Roehr ont seulement installé le bouilleur dans un cadre… ?!? Loin de là. Ils lui ont greffé un gros stimulateur cardiaque : un compresseur. De quoi gaver largement le moteur sans temps de réponse. Et blang ! La sportive de l’oncle Sam annonce maintenant 180 chevaux, et surtout, surtout, une très grosse dose de couple, culminant à presque 16 mkg. Cette valeur obtenue à 7 600 tr/mn ne doit pas nous faire oublier l’essentiel : le compresseur, un engin qui offre au moteur bien plus de disponibilité, comme si le muscle était plus là, plus plein, sur une plage de régime plus important. Et puis, si vous voulez encore plus de watts, une petite adaptation de la cartographie permet au 1 250 compressé de claquer la barre des 200 chevaux. La V-Roehr vient de gagner des supporters. Ceci reste bien sûr du domaine civil ou pour se faire plaisir sur circuit. Car cette machine ne peut s’engager que dans très peu de compétitions. En mondial SBK, les twins sont limités à 1 200 cc. Il lui reste la catégorie prototype… ou les bonnes grâces de certains points des règlements – Buell a bien gagné le championnat américain supersport en 2009 avec une 1125 R…
Mais que vaut une sportive bourrée de puissance si le châssis ne suit pas. De ce coté là, on n’a pas à s’inquiéter. Le cadre de la V-Roehr est constitué de deux longerons au chrome-molybdène ancré sur des platines latérales en aluminium. Sur ces dernières, on a prévu de quoi régler les repose-pieds sur plusieurs hauteurs. Les suspensions ? Du Öhlins à l’avant comme à l’arrière. Au bout des durites aviations, du Brembo radial à 4 pistons. Et terminons par une paire de silencieux Akrapovic. Bref, il ya du beau matos et des gros watts sur cette sportive. Reste qu’à 196 kg à sec, la surcharge pondérale se fera sentir – la concurrence affiche 20 kgs de moins, une valeur considérable dans le secteur.
La 1250 SC V-Roehr a beaucoup d’arguments à faire valoir, mais surtout pour se faire plaisir et ne pas lorgner du coté de la compétition. Une machine d’esthètes, à ne point consommer comme un Big Mac. Oublier son autonomie ridicule (12 litres dans le réservoir) pour vous focaliser sur les belles pièces et les promesses du twin américain. Et pour en avoir une ? Le bordel habituel d’importation d’une machine étrangère, frais de transport, homologation, taxes, TVA, plus un tarif pas très social de 50 000 dollars.
M.B – Photos constructeur
2009
2010
2011