Fiche moto Ducati1299 Panigale 2016 Excès de testostérone
Avec la Panigale et son moteur Superquadro, Ducati franchissait un cap dans la démesure de ses sportives, et provoquait une spectaculaire rupture de génération. Fini le cadre treillis, une électronique d'avion de combat, une puissance colossale, et un style à retourner toutes les têtes. En évoluant en 1299, la Panigale fait plus que progresser ; elle bouscule aussi une convention établie depuis des lustres. La cylindrée dictée par la compétition, c'est fini !!!
C'est un fait. Cette 1299 Panigale veut donner des gros chevaux, du gros couple, de la grosse sensation. Et elle s'en fout complètement de ne plus pouvoir s'engager dans les différents championnats Superbike. Ceux-ci limitant la cylindrée à 1200 cm3 pour les bicylindres, son bloc réalésé à 1285 cm3 lui ferme les portes de la compèt mais ouvre la frontière des 200 chevaux. Quid des drapeaux à damiers ? La coquine a tout prévu et le clame sans vergogne : "Laissez-moi envoyez mes watts et gonfler mes muscles ! Pour le SBK, ma sœur Panigale R conserve un twin de 1198 cm3. C'est à elle d'affronter les règlements et les titres mondiaux ; moi, je vais fumer du chrono avec mes 205 bourrins". Et voila l'astuce : une version spéciale (R) pour l'homologation en championnat et une Panigale de série qui s'affranchit de certaines limites pour devenir un missile encore plus tactique.
(ndlr – ce n'est pas une première. Kawasaki avait déjà fait le coup avec sa ZX-6R 636, et Ducati ne voulant plus du Supersport, la 848 entamait la première rupture avec un championnat. Mais un top de la sportive de Bologne osant craquer les fondements du SBK, ça marque un tournant).
Revenons sur la Panigale. Elle concentre toute la curiosité sur sa cylindrée. Car pour faire la différence avec la 1199, seuls les fervents Ducatistes verront les notables différences de style. La face est à peine modifiée avec des ouïes redessinées au stylet, des rétros doubles branches, une tête de fourche annoncée plus protectrice. Et c'est tout ! Encensée pour son style, la Panigale n'avait aucune raison de modifier sa plastique. Chez Ducat, on fait gaffe avec le design, surtout quand il soulève les émotions. Beaucoup ont gardé en travers l'audace des 999 / 749...
On reste attentif et admiratif quant à la technique de la partie-cycle, avec sa coque cumulant les fonctions de boite à air et de structure porteuse, l'absence de treillis, le monobras oscillant de forte section, la cinématique exceptionnelle de l'amortisseur arrière, le train avant à vous ouvrir les virages. Seule modification signalée avec l'augmentation du patronyme, l'angle de colonne de direction est rentré d'un demi-degré (24.5° -> 24°) sur la 1299 Panigale. De quoi lui apporter encore plus de vivacité pour se jeter dans les courbes. Et le pivot du bras oscillant descendu de 4 mm, histoire d'optimiser la motricité.
Et on va y arriver vite dans ces courbes. Car arrêtons de tourner autour et voyons ce qu'il a dans le sac ce gros twin de 1285 cm. Le Superquadro en avait du répondant sur la 1199, mais pêchait par un caractère un peu creux. Un vrai moteur de course, déchainé à souhait dans les hauts régimes. Du cubage en plus gagera de le rendre davantage disponible. Avec de l'alésage en hausse de 4 mm, la coupe déjà pleine déborde : des pistons de 116 mm ! S'agitant sur une course inchangée de 60.8 mm. Une petite hausse du taux de compression pour bien exploser le tout. Et on envoie du lourd : 205 chevaux à 10 500 tr/mn, et 14.7 mkg à 8 750 tr/mn. Effrayant !!! La 1299 crache 10 chevaux et 1,2 mkg de plus que la 1199 à des régimes inférieurs de 250 tr/mn. Les courbes sont se remplir, les lignes droites rétrécir et la moto vous atomiser les bras comme le ciboulot. Ducati va de plus en plus loin vers l'extrême. Il n'y aura plus besoin d'attendre la 3eme partie du compte-tours pour que twin cravache ; ici, la marmite commence son ébullition à mi-régimes. La 1299 envoie une dizaine de chevaux de plus que la 1199 sur toute la plage de régime, et pas loin de 1.5 mkg de différence. A 6250 tr/mn, le pilote dispose déjà de 100 chevaux sous le coude. 2000 trs plus tard, ils sont quasiment 170... Pour comparer rapidement (faisons fi du comportement et de l'architecture moteur), le bloc de la S 1000 RR distribue ce niveau de puissance aux environs des 10 000 tr/mn. Gonflé le twin italien ?!? Plus qu'il ne peut en déborder !
En Italie, on sait faire de la partie-cycle, depuis longtemps. Ducati a ainsi peaufiné l'écrin autour du Superquadro. Nous citions précédemment l'angle de colonne refermé, le monobras fixé plus bas, parlons également de la chasse passant de 96 à 100 mm... Des petits chiffres, certes, mais qui peuvent se traduire par une sensible différence sur la piste, au moment de se jeter d'un angle à l'autre.
Quand la fourche inversée Marzocchi de 50 mm encaisse du gros freinage, torturée par des étriers Brembo monobloc M50. Les disques de 330 mm soulagent la vitesse, résistent au martyr, se languissent du virage suivant... Ils ne pensent même pas à leur compagnon de sécurité, l'ABS Bosch 9MP.
Pourtant, celui-ci est plus efficace qu'avant. Il bénéficie d'un système électronique supplémentaire, l'IMU. C'est quoi ? Ca sert à quoi ? Derrière ce nouveau sigle officie une Unité de Mesure Inertielle. En gros, elle détermine la position de la moto dans un espace en 3 dimensions et analyse ses réactions dans cette espace. En mesurant l'accélération sur 3 axes et en calculant le roulis et le tangage de la brêle, l'IMU améliore les capacités de l'ABS en lui permettant de moduler son action dans les courbes, et peaufine l'intervention du contrôle de wheeling.
La 1299 inaugure chez le constructeur un shifter amélioré, permettant tant la montée que la descente des rapports sans l'embrayage. Ces éléments viennent compléter la riche dotation en silicium prélevée sur la 1199, dont nous ferons un succinct listing : Antiblocage des freins ABS 9.1 MP, contrôle de traction DTC, réglage du frein moteur EBC, anti-wheeling DWC, Modes de conduite (Race, Sport, ou Wet), écran digital TFT doté d'un affichage évolutif en fonction du mode choisi. Sur la 1299, il affiche à présent l'angle pris par la moto en temps réel.
En piochant dans le stand des options, vous pouvez craquer une DDA+GPS, le système de télémétrie maison. Après votre session, à vous le loisir de débriefer de vos trajectoires et des données collectées par l'électronique de bord. Dans ce virage, vous étiez à toc ? La 1299 ne mentira pas !
Pure sportive ? Pure pistarde ? Full circuit surtout. Comme peuvent en témoigner, parmi tant d'autres subtilités et atouts de cette machine, la calibration automatique des assistances lors du changement de pneus ou le braquet de démultiplication finale. Ou encore ces petites gâchettes apparues entre la poignée des gaz et le commodo, permettant de gérer d'un simple coup de pouce ou d'index le DTC, l'EBC et le DWC.
Monstrueuse de puissance, bardée de capteurs et d'aides au pilotage à en faire grognasser une machine d'usine, singulière d'innovation en d'envie avec son châssis 100% muscle, la 1299 n'a pas son pareil pour déchainer un orage de furie mécanique. Elle le fait cher payer, perpétuant un esprit d'excellence et d'exigence typiquement Ducati. Ses arguments frappent ou effraient, sa tentation envoute et jalouse, sa technologie oscille entre la piste et la science-fiction. Plus que jamais un outil de passionné, où la performance écrit les lois.
M.B - Médias constructeur
Note : 5/5 Répondre à Yvan01