Fiche moto Triumph660 Daytona 2024 La baie des incisives
Depuis l’engagement de Triumph en Moto2, tout le monde espérait le retour de la Daytona. Surtout avec le moteur 765 cm3 et l’efficacité du châssis de la Street Triple RS – un carénage, quelques ajustements, une dose de sport en plus et le tour serait joué. Une courte suite avait entretenu quelque espoir avec la série limitée de 765 Daytona en 2020. Puis le néant, sans que l’envie du public ne disparaisse.
Triumph aurait-il entendu ? Les planètes se sont-elles enfin alignées pour que la Dayto’ revienne découper des trajectoires ?
Sortez le champagne mais ne remplissez les verres qu’à moitié ! Oui, la Daytona est de retour ! Oui, elle véhicule à nouveau le sport. Mais un sport plus contenu, loin de la furie de sa devancière. La nouvelle Dayto’ se base sur le roadster 660 Trident. Mais comme nous allons le voir, Hinckley a vraiment bossé pour en faire une machine bien plus goûtue.
Rien qu’au niveau style, l’anglaise a fière allure. On devine vaguement l’esprit de la 675 en filigrane sans vraiment créer le rapprochement. Moins tendue, moins courroucée, la nouvelle Daytona veut revendiquer une certaine affiliation sans pouvoir obtenir l’agressivité d’une authentique machine de circuit. Entre ses yeux se placent une prise d’air triangulaire ainsi qu’un étrange petit renfoncement parabolique sous le nez. Comparativement à la Trident, la Dayto’ change de réservoir, installe une selle à double étage, modifie la position de conduite avec de nouvelles platines repose-pieds et un ensemble té de fourche + demi-guidons d’un seul tenant, installe le nécessaire routier arrière sous la selle et donne du faux-semblant au cadre. Des pièces cosmétiques lui donnent un aspect de structure en longerons d’alu ; mais c’est bel et bien des tubes d’acier en dessous.
Du coup, une véritable identité s’offre à elle. C’est sans timidité qu’elle va pouvoir se fritter aux machines du segment des« gentilles » sportives mid-size. Une zone semi-militarisée où pour créer un modèle, la recette est à peu près la même partout. Que ce soit pour la GSX-8R, la CBR 650 ou la Ninja 650, elles sont toutes issues d’un roadster auquel on a greffé un carénage puis retouché quelques éléments. En gros, l’habit change pour les mêmes perfs sous une allure plus racée.
Triumph va beaucoup plus loin. Déjà, hors de question que sa Daytona 660 fréquente le même club de sport. Le petit trois-cylindres n’a plus du tout les mêmes envies. Un bon séjour chez les motoristes lui permet de gagner 17% de puissance et 9% de couple. Wowhw ! C’est beaucoup !
Pour une petite mise en perspective, voyons la MT-07 et la R7. Que vous montiez l’une ou l’autre, c’est 73 chevaux.
Basculons en Angleterre, où la Trident propose 81 bourrins. Changez de cavalière et c’est avec 95 ch que vous ouvrirez le bal. Cette bonne dose de watts se libère complètement à 11 250 tr/mn. Chose étonnante, la zone rouge est encore loin, à 12 650 trs. Sans doute que le 3-pattes pourrait encore nous envoyer quelques canassons supplémentaires. Mais en se maintenant à 95 équidés, la Daytona préserve sa compatibilité A2.
Avec 69 Nm au lieu de 64 Nm, le couple maxi marque un progrès moins spectaculaire mais fort appréciable lui aussi ; avec 80% de sa force dispo après les 3 125 tr/mn.
Pour parvenir à cette hausse très significative de la puissance, Triumph a modifié le vilebrequin, les arbres à cames, la culasse et les pistons puis en a profité pour retoucher un peu la boite. Un nouvel échappement fera lui aussi la différence quant à la voix de ce 3-cylindres revitaminé. On retrouve l’embrayage Torque Assist, pour faciliter l’effort au levier et calmer les dérobades du train arrière sur les fortes décélérations.
Dans la Daytona, le moteur ne montre pas sa grogne tout de suite. Il suit l'humeur du bloc de la Trident jusqu'au début des mi-régimes puis commence à vouloir s'émanciper vers 6 500 tr/mn. Mais c'est véritablement après les 7 500 trs qu'il montre sa différence et prend son envol.
Consciente que les pilotes vont lui demander plus d’efforts et du rythme plus soutenu, la Daytona revoit aussi le train avant. La fourche inversée Showa de 41 mm évolue du modèle SFF vers la SFF-BP à gros piston, tandis que les étriers de frein deviennent radiaux et doublent le nombre de pistons en action. Regardez comme Triumph a « nettoyé » ces mâchoires à 4 pistons pour ne laisser que son logo en évidence. Les disques de frein avant font le même diamètre (310 mm) tandis que celui de l’arrière se réduit de 255 mm à 220 mm.
Le cadre périmétrique tubulaire en acier ne reçoit pas d’évolution, pas plus que le bras oscillant en acier. C’est là que la Daytona perd des points de noblesse par rapport à une pure sportive ; et ne pourrait fièrement lever le menton face à la dynastie 675. On ne trouve point de belles pièces en alu, ni de réglages de suspension à tous niveaux (seulement la précontrainte à l’arrière), ni de tableau de bord top exclu. Sous un nom aussi iconique, vous espériez une dalle TFT façon Street Triple Moto2 ?!?
A la place, vous aurez le combiné du trail 660 Tiger. Un peu de LCD en haut, une dose de TFT en bas… Les infos sont là mais pas le coté distingué. En faire abstraction sera délicat vu que le pilote aura régulièrement cette vision sous le nez. Entre le plastique et les données, le pouce aura le choix du caractère de la machine. La 660 Daytona embarque trois Modes de conduite, agissant sur la réponse de l’accélérateur et le niveau de l’antipatinage. Les Modes « Rain » et « Road » proviennent de la Trident ; s’y ajoute le « Sport », bien à propos pour une moto au nom si équivoque. A l’envie, l’antipatinage est déconnectable.
Le shifter n’a pas été invité à la résurrection. Il sera nécessaire de passer par les options pour l’avoir. Zone casino où le quidam trouvera également le système de connectivité Triumph pour piloter son smartphone (et avoir accès à la musique, au guidage turn-by-turn, etc), des poignées chauffantes, une prise USB, un trackeur, la pression des pneus, un capot de selle…
C’est clair et c’est tant mieux : il y a un monde entre la Trident et la Daytona. Tous ceux craignant d’avoir un roadster rhabillé seront rassurés de découvrir une moto bien plus aiguisée que le roadster. Assez pour commencer des envies de bagarre où l’imagination sème des vibreurs sur la route.
Il est en revanche indispensable de se rappeler certaines données, comme le poids. La Daytona 2024 passe juste au dessus des 200 kg, avec juste une unité de plus….. Alors que la dernière génération en 675 cm3 n’en accusait que 184 ; avec 128 chevaux dans la chaudière. Donc, oui, il est important de montrer qu’il y a aussi un fossé entre deux chapitres de Daytona. Elle a changé car le monde change, pas comme les puristes le voudraient.
La nouvelle Daytona, contrairement à sa devancière en 675, n’est pas une Supersport mais une sportive. Ne sont-ce que des mots ?!? Bien plus et bien pesés. L’ancienne recherchait la performance pure et ne se privait pas de tacler les R6 et 600 CBR ; celle d’aujourd’hui ne songe pas au chrono mais appui sa démarche sur l’autel du sport. Ses cibles : Suzuki GSX-8 R, Yamaha R7 et Aprilia RS 660. Voire la Honda CBR 650 R et la Kawasaki 650 Ninja. Les contours de ce nouveau monde ne sont pas tracés par le chrono mais les chiffres du marché.
M.B - Photos constructeur