D'habitude, je me serai contenté de relater les faits, mais là, c'était impossible. Un scénario à couper le souffle dimanche pour une victoire française au Mans, en France ! Comme tant de passionnés de moto, j'ai crié devant mon poste de télé et j'ai, aussi, pleuré... Ce Grand Prix de France 2025, au Mans, a marqué l'histoire du sport français parce qu'il a consacré un chic type, Johann Zarco (35 ans).
De l'ombre à la lumière, caché, éclipsé depuis vendredi par les performances de Fabio Quartararo, il a fallu un coup de pouce de la météo pour que Johann Zarco éclabousse le monde, le public, le paddock de son talent pour saisir des moments suspendus dans le temps à jamais pour les mortardes et motards français. Depuis 1954 et un certain Pierre Monneret, la moto française attendait depuis 71 ans qu'un pilote français s'impose dans la catégorie reine, ce 11 mai 2025, c'est fait !
En tête depuis le 8ème tour
Après le chaos et deux changements de motos pour certains, la pluie aura semé la zizanie sur le tour de chauffe entamé en pneus slick pour quasi tout le monde. Le drapeau blanc agité en fin de tour de formation permettait aux pilotes de rentrer au stand pour changer de moto pour récupérer des pneus pluie. Avec trop de pilotes dans les stands, on verra un drapeau rouge pour entamer une seconde procédure de départ. Rappelons que pour ce second départ, les pilotes ayant changé de moto devront faire un double long lap de pénalité.
Au moment de repartir pour ce second départ, la pluie avait cessé, les pilotes s'élancent pour un nouveau tour de mise en place. Sauf que, à la fin de ce tour de mise en grille, certains pilotes sont à nouveau rentrés aux stands pour reprendre une moto en slick ! Le départ verra quelques cadors comme les frères Marquez ou Fabio Quartarao s'élancer en slick face à Francesco Bagnaia ou Johann Zarco rester en pneus pluie. Quel scénario de fous avant même le départ.
Un départ qui sera parfaitement pris par Fabui Quartararo sur sa Yamaha, plus à l'aise que Marc Marquez sur ces conditions mixtes. Pendant ce temps-là, Francesco Bagnaia bousculé au départ tombe au premier départ, Mir sur sa Honda fait un écart et pousse Johann Zarco dans le bac à gravier de la Dunlop. Le temps sera suspendu à la météo pendant les 6 premiers tours, on verra quelques changements de position au jeu du tour de pénalité pour les uns et les autres, Marc Marquez, plein de sang froid se faisait prudent. Avec son expérience, l'Espagnol sait que dans ces conditions, il faut rester sur ses roues.
Un conseil que Fabio sur sa Yamaha a oublié. Au virage du raccordement, à la fin du 4ème tour, alors que la pluie revenait, le pilote français perdait l'avant de sa moto avant la ligne droite des stands, ses espoirs étaient douchés.
Zarco, parti en pneus pluie et qui n'a jamais changé de moto, a attendu le retour / renforcement de la pluie. La stratégie de la patience qui s'avère payante puisque le top 10 à l'avant de la course revient au stand pour (encore !!) changer de moto et rechausser les pneus pluie. Le 7ème tour commence et Johann Zarco sur sa LCR Honda passe finalement en tête du grand prix de France pour ne plus jamais la quitter
Pierre Monneret était le dernier vainqueur français en catégorie reine
La suite, on la connaît. Plus personne ne reverra Johann, même pas Marc Marquez, second finalement de la course. Alex Marquez sera moins avisé que son frère, chutant deux fois et finissant par abandonner. Au jeu des chutes, ce sont finalement les petits jeunes qui complèteront le top5 derrière les vieux briscards que sont Zarco et Marquez. Longtemps Pedro Acosta aura cru au podium mais Fermin Aldeguer avec un meilleur rythme sur la fin viendra finalement prendre la 3ème place. L'officiel KTM termine 4ème devant Vinales sur la KTM Tech3 qui offre ainsi un beau top5 au team français Tech3 au Mans.
Mais la tension, l'exaltation du moment ajouté à l'émotion, la sensation qu'on était en train de vivre un truc hors du temps ne nous permettait pas de nous concentrer sur le peloton. Ce qui nous intéressait c'était Johann. Comme la foule, on exultait à chacun de ses passages sur la ligne, tour après tour. Surtout que notre Jojo il creusait l'écart sur Marc Marquez, il a compté jusqu'à 20 secondes d'avance !
Plus personne ne le reprendra, son seul ennemi, c'était lui. Avancer mais assurer. On le connaît comme le meilleur pilote du paddock dans ces conditions et il l'a prouvé en roulant à la fin 1 seconde plus vite au tour que tout le monde. 150 grand prix pour Zarco, ça forge le talent. On a retenu notre souffle et lui, il a tenu. Devant plus de 100 000 personnes amassées dans les tribunes dimanche (presque 312 000 sur le week-end), Johann au guidon de sa Honda signait la fin de 22 victoires de rang de Ducati en allant cueillir sa deuxième victoire en Grand Prix MotoGP, sans doute même la plus belle de sa carrière (avec le Moto2).
Warning Very emotional content #FrenchGP pic.twitter.com/SA5Z3QnCEL
MotoGP (@MotoGP) May 11, 2025
Le Mans était en ébullition, la foule prise par le moment chantera même la marseillaise avant le podium c'était dingue. Certains ne parlaient plus, d'autres pleuraient et d'autres chantaient. La joie chez Johann était pleine mais encore timide, on avait l'impression qu'il était KO debout, KO par ce qu'il venait de faire. On a vu un Jojo commencer à chanter sa marseillaise puis pris par l'émotion la gorge serrée les yeux brillants il a repris son souffle, regardé son clan, comme s'il réalisait l'espace d'un instant ce qu'il venait de faire avant que le refrain de notre hymne national ne lui redonne l'apesanteur d'un chanteur, il reprit alors le couplet avec la foule pour terminer ce moment gravé pour l'histoire, son histoire. Quel beau dimanche
Zarco au micro de Canal+ :
Saluer le public dans le dernier tour, j'ai l'impression que ce n'est qu'une fois dans une vie et c'est aujourd'hui...
C'est incroyable, ..., on a du mal à réaliser, le moment avec le public c'est des décharges d'émotions, ... Le bon choix de pneus on savait que la pluie allait arriver, il fallait être patient au début ne pas brûler le pneu ... C'est bizarre comme sensation... J'ai envie de gagner et quand c'est fait, on réalise pas ... La marseillaise on l'a chanté pour une bonne raison, c'est incroyable ce monde, quelle vibration et son particulier ! On l'a chantée plein de fois cette semaine mais c'était LA bonne fois.
Dernier tour, j'ai vu que j'avais 20 secondes d'avance et là je me suis dit que je vais assurer et profiter. Je n'ai pas pu m'empêcher de commencer à saluer la foule quand je voyais les drapeaux s'agiter, c'était bon !
J'aime l'histoire de la moto, et pouvoir écrire cette ligne 71 ans après c'est spécial et c'est bon ... Répond un Zarco à Canal+ plein d'émotion, la gorge serrée et les yeux brillants...
Comme nous Jojo, c'était magnifique et merci.
Marc Marquez : Avant le départ la météo était très mauvaise, c'était une course folle. Johann a eu une stratégie différente et il était le plus rapide. Je pense que même si la course avait été mouillée du début à la fin, Johann aurait quand même gagné.
Lucio Cecchinello team manager Honda LCR : C'est le résultat d'un pilote extraordinaire et d'un gros travail du team. C'est magnifique. On n'a pas vraiment fait un pari, on a beaucoup analysé les scénarios météo et on savait qu'il fallait rester avec les pneus pluie C'est le talent, c'est l'expérience, la concentration de Johann qui amènent la Victoire. C'était très compliqué et on avait un peu peur à la fin de la course avec la pluie qui se renforçait. On craignait l'aquaplaning mais c'était tendu...
Fabio Quartararo Le début de course était important, il fallait partir fort, à un moment donné, il pleuvait un peu plus j'ai un peu trop poussé sur le pneu avant... C'est quand même un bon week-end... Je suis content pour Johann Zarco, ce sont de grandes émotions pour lui et sa famille
Vendredi, samedi : la pole Fabio Quartarao
Je l'ai dit en introduction, si Johann a brillé dimanche, il faut aussi rendre à Fabio Quartararo les honneurs pour les émotions qu'il nous a aussi données. Le pilote Yamaha était très à son aise en début de week-end avec une séance de qualifications d'un très haut niveau lui permettant de battre le record absolu de la piste.
Alors que Marc Marquez avait claqué une pendule qu'on pensait imbattable, Fabio répondait dans son dernier tour lancé avec un stratosphérique chrono de 1min29s324 ! Les deux frères Marquez complétaient la première ligne.
La course Sprint de samedi laissera peu de temps la place au doute. Marc Marquez, capable d'une régularité impressionnante et sans doute plus à l'aise pour enfiler les tours chronos, calmera Fabio Quartararo rapidement pour s'emparer de la tête de la course qu'il ne quittera plus pour s'offrir encore un record : la 6ème course Sprint remportée d'affilée. Son frère Alex et Fermin Aldeguer complèteront le podium. Fabio signe la 4ème place pour la médaille en chocolat. Pedro Acosta fera encore une erreur bête en tombant dans l'avant dernier virage pour laisser Vinales compléter le Top 5 au guidon de sa KTM française du team Tech3.
Le grand gagnant de ce Grand Prix au championnat du monde, c'est Marc Marquez qui a vu son frère Alex et Francesco Bagnaia tomber. Il repart avec un total de 171 points au championnat du monde, soit 22 points d'avance sur son frère et 51 sur son coéquipier. D'ailleurs, ce dernier n'est plus que l'ombre de lui-même, redevenu normal et on peut même se demander s'il sera conservé encore longtemps par le team officiel quand on voit le talent des deux pilotes satellites Alex Marquez et Fermin Aldeguer (sûrement l'avenir de Ducati celui-là).
Prochain rendez-vous, le 23 mai à Silverstone en Angleterre.
Classement général à l'issue du week-end