Fiche moto Ducati959 PANIGALE 2018 Un hors-bord sur piste
Avec l'arrivée de la V4 Panigale, la 959 affirme ses différences. Cadre coque, puissance raisonnable, twin en L et design marqué - tout ce qui a secoué les fans de la génération Panigale V2 est là. Elle n'est plus la "petite" Superbike de Bologne mais un choix plus affirmé. A l'assaut du sport, sauce italienne débordante sur le plat de résistance, la Ducati 959 Panigale poursuit un chapitre plein de fougue et de passion. Mais...
748, 749, 848, 899, 959 - En quelques générations, la petite sportive bolognaise est devenue presque aussi grosse qu'une hypersport japonaise. Dans ses entrailles, le Superquadro gonfle ses muscles. Mais à l'extérieur, rien n'y parait. La Panigale demeure une machine de petit gabarit, avec une compacité toujours aussi saisissante. A se demander comment les ingénieurs peuvent caser autant de choses dans si peu de place. C'est tout juste s'il ne faudrait pas un bloc opératoire et des instruments de cœlioscopie pour effectuer les révisions.
Avec sa silhouette sculptée, on est en terrain familier. La tradition voulant que chaque "petite" Superbike Ducati copie son ainée, on retrouve instantanément ses marques. Fines retouches sur la tête de fourche avec une légère amélioration de la protection, carénage tendu à faire tourner les têtes. C'est sur l'arrière que tout se joue niveau design. La firme de Bologne persiste à ne pas réintroduire le monobras, dissidence que chacun jugera à son gré. Passons ; là n'est pas le principal problème. Les fans de lignes épurées vont s'étrangler à la vue de la double sortie d'échappement latérale de la 959 Panigale. Argghh !!! Fini les éructions sous le moteur. Deux tubes façon Monster viennent massacrer la ligne, initialement finement dessinée au scalpel. Les normes Euro4 sont passées par là ; et pour respirer "politiquement correct", ces deux appendices disgracieux viennent saloper le style.
Bon, de toute façon, va falloir avec... Le point positif de cette norme, c'est que la Ducati peut débarquer sur le territoire avec tous ses watts et sans se prendre la tête. Et des bourrins, il y en a, encore plus.
Si la899 est passé à 959, ce n'est pas pour singer la fable de la grenouille et du bœuf. Le twin se retrouvant encore plus castré par Euro4, lui offrir plus de cylindrée permet de conserver du coffre et du répondant. Puis, en bossant bien dans le département engineering, on case encore plus de canassons. La 959 Panigale envoie pas moins de 157 chevaux. C'est 9 unités de gagnées sur la précédente version. Cubant précisément 955 cm3, cette Ducat serait presque un clin d'œil à une pure machine d'usine : elle affiche la même cylindrée et quasiment la même puissance que la 916 Corsa du WSBK, dérivée de la 916 SP3 de 1996.
Laissons la 916 vivre sa légende et revenons sur le moteur Superquadro. Son accroissement du volume à explosion se fait via une augmentation de la course de 3.6 mm. Elle s'établit ainsi à 60.8 mm, avec pour compagnie un alésage très copieux de 100 mm. Une lubrification améliorée, de nouvelles soupapes, des modifs sur le vilebrequin, les cylindres, les arbres à cames, les culasses, un second jeu d'injecteurs pour gaver le moteur à partir de 8500 tr/mn ; les évolutions qui ne se voient pas sont nombreuses. Outre la progression de puissance, le couple profite aussi de cette inflation et atteint presque les 11 mkg - 107.4 Nm pour être précis. Flute, la transmission a été rallongée, pour faire plaisir aux bureaucrates. Bon, faudra penser à trouver un pignon ou une couronne qui va bien afin de profiter de belles relances (sur circuit, hein !!!). Car sous la distribution Desmo, on n'a pas cherché à mollir.
Fort le twin ! Mais entre lui et la route, on trouve une foule d'intermédiaires. Qui raviront les metteurs au point. L'embrayage intègre désormais une double fonction, anti-dribble et assistance. De quoi réduire l'effort au levier et digérer les rétrogradages musclés. Ensuite, c'est l'électronique qui veille au grain. Trois modes de conduite sont au menu, chacun ayant des réglages prédéfinis sur les diverses garde-fous de bord. Course, Sport, ou Pluie, la Panigale se cale sur l'humeur du moment. La main droite s'agite, les puces au silicium agissent. Le contrôle de traction DTC agit sur 8 niveaux d'intervention, le frein moteur EBC sur 3, l'ABS Bosch 9MP est également régi selon 3 modes, et l'affichage du tableau de bord évolue en fonction du Riding Mode choisi. Pour parfaire votre style ou votre niveau d'exigence, ceux-ci peuvent être peaufiné par l'utilisateur. A noter que la puissance disponible diffère suivant les modes : 157 chevaux pour Course et Sport, 115 pour le mode Pluie.
La 959 Panigale conserve le shifter maison DQS, utilisable à la montée mais pas encore à la descente des rapports. Seules les différentes versions de la grosse Panigale (1299 - 1299 S - R) en ont le privilège à Bologne. En option, le DDA+ permet de se creuser les méninges après session par une bonne salade de télémétrie avec GPS.
Depuis la 899 Panigale, la 959 a pris du cœur... et du poids. 7 kilos, ce n'est pas rien. Mais d'où provient ce gras, dans une catégorie où la chasse au poids est prioritaire ? Le double silencieux y est déjà pour pas mal. Pas de quoi changer sensiblement le comportement ou la vivacité de la machine. Et puis, 200 kilos tous pleins faits, on a vu pire.
Coté châssis et périphériques, l'essentiel ne change pas. Autour du singulier cadre-coque en alu se fixe une fourche inversée Showa BPF à gros piston de 43 mm et un amorto Sachs en position latérale. Les éléments sont bien sûr full réglables. Les changements opérés sont du coté de l'empattement, augmenté de 5 mm (1426 -> 1431), et du point d'ancrage du bras oscillant, abaissé de 4 mm. Ces modifications devraient optimiser la traction et la stabilité de la Panigale. Toutefois, conjugué à la prise de poids de la machine, le pilote devra fournir plus d'effort pour engager la machine.
Le freinage est aussi intégralement repris de la 899. Des galettes de 320 mm et des étriers Brembo M4.32 à 4 pistons pour l'avant, un disque de 245 mm et un étrier 2 pistons à l'arrière. Du matos sérieux, cependant un petit cran en dessous de ce que peut offrir de plus grosses cylindrées chez Ducati. Pas encore de M50 pour la petite... euh, la moyenne Panigale ; souci peu préjudiciable, car le matos fait déjà un sacré boulot.
Il est temps de mettre les bottes, et de constater que les repose-pieds offrent maintenant plus de grip ; des gênes de pistarde jusqu'au bout des excroissances. Toujours aussi sportive et encore plus puissante, la benjamine des Panigale s'apparente plus à une 899 Evo qu'à une totale nouvelle machine. Cependant, la hausse de cylindrée conséquente justifie un nouveau prénom. Racée, technologique, excitante, elle se voit refuser quelques exclusivités pour contenir son prix et préserver le prestige des hypersportives de la gamme. Pas de monobras, pas de shifter up/down, pas de plate-forme inertielle UMI, pas de contrôle de wheeling et pas de tableau de bord couleur TFT... et presque 5 000 euros de moins. Elle permet aussi de s'approprier le fantasme Panigale sans passer par la case bûcheron que réclame la 1299. Moins missile, sportive à souhait, elle permet de rouler fort sans se faire déborder tout le temps.
M.B - Photos constructeur