Fiche moto MV-AgustaLucky Explorer Project 5.5 2022 Au bord du sable
MV-Agusta ou Cagiva? La question est complète; d’autant que la marque de Varese laisse s’entretenir le suspense. En dévoilant le concept Lucky Explorer 5.5, un soin particulier a été pris pour que la moto soit dans son propre stand, que sa filiation soit évidente avec l’ancien trail Elefant, qu’aucune allusion ne soit faite à la maison MV bien qu’elle soit derrière tout ça. Du coup, peut-on espérer une renaissance de Cagiva pour qu’elle devienne la marque aventure de MV? Ou est-ce que MV se lancera dans le off-road sous son propre nom?
Que ce soit l’un ou l’autre, le 5.5 (et son grand frère 9.5) montre l’appétit du constructeur pour ce segment très porteur. Le trail est partout, avec des envies de tourisme ou d’évasion plus ou moins marqués. Ici aussi, avec une plastique prête à prendre le marché sous des atours racoleurs. Que vous partiez ou non vers les caps du monde, le jeune Lucky Explorer veut vous le faire croire.
La bulle annonce le voyage, l’habillage baraqué propose un front contre les épreuves, les jantes à rayons présagent la terre et les soubresauts, le regard en 3/4d’iris lumineux menace les distances. L’effet est réussi, complété de petites astuces bien senties. Le 5.5 pose des flasques pour protéger les disques de frein en cas de projections indésirables. Les ouïes de ventilation sont dessinées de façon à compléter le simili logo inspiré par Lucky Strike – le sponsor cigarettier de l’époque des Cagiva victorieuses en rallye-raid; et destiné à rappeler la série Elefant 900 i.e. en série limitée des années 90. La panoplie est complète avec les protège-mains, le porte-paquet, le silencieux en position haute, la béquille centrale, le gros réservoir et la prestance haute sur pattes. Dommage que le sabot moteur soit en plastique. Quasi impossible qu’il survive à une bonne caillasse.
Avec un tel gabarit, ce Lucky Explorer détonne vraiment par rapport aux productions félines et précieuses de la maison MV-Agusta. De plus, ce n’est pas du cœur italien dans les entrailles. Maintenant que l’usine italienne a signé des accords avec le chinois Qianjiang, du matos asiatique va s’incruster dans la gamme. Une bonne façon pour MV de penser à de futurs modèles plus accessibles pour les marchés des antipodes. Ainsi, la motorisation est développée à partir du twin des Benelli TRK 502 et Leoncino. Les côtes sont modifiées pour lui donner plus de coffre. La cylindrée monte à 554 cm3 par augmentation de l’alésage (+ 1,5 mm pour 70,5 mm) et la course (+ 4,2 mm pour 71 mm). Avec 47,6 chevaux, le gain en watts est nul mais celui en couple bien réel: 0,6 mkg, avec surement une courbe plus ronde.
Pour le puristes, à peine 35kW en full sur une MV…….. ça dérange. Pour d’autres, cela fait une moto nativement compatible A2. La «petite» Lucky viendra séduire un public plus large que le 9.5. Ce dernier s’affirmera vers un marché plus exigeant, avec une motorisation bien plus forte.
Sous son gros manteau, le 5.5 cache un cadre en acier proche (identique?) du cousin Benelli. En revanche, son bras oscillant en aluminium est spécifique. Les suspensions sont confiés à Kayaba avec plusieurs réglages de dispo. La détente et la précontrainte pour la fourche inversée de 43 mm; les mêmes plus la compression pour le mono-amortisseur. C’est à partir de là que l’on voit que ce trail sera plus routier qu’explorateur. Avec 135 mm de débattement, la moto s’autorisera quelques trottoirs ou pistes bien roulantes mais pas question de lui demander plus. Certes, ça sent vraiment le trail avec des pneus pas très larges (100 et 150 mm) encerclés sur des jantes à rayons, des pneus mixtes et la tronche de l’emploi. Mais le terme de crossover correspondrait mieux comme définition. Son freinage apparait aussi nettement décalé, trop sérieux presque. Songez qu’à l’avant, ce sont deux disques de 320 mm qui seront mordus par des étriers radiaux Brembo à 4 pistons. Le même type de matos que sur la 800 Brutale pour arrêter un esquif d’une cinquantaine de bourrins, avec 220 kilos dans la charpente et du 160 km/h à toc. Trop n’est pas le mot juste; soulignons davantage un sens de la mesure à l’italienne. En tout cas, le souci n’aura guère de place au levier droit.
La maison MV n’a pas fait grand étalage de la dotation électronique. On recense pour l’instant l’ABS, un écran TFT couleur de 5 pouces avec Bluetooth, capteur GPS et l’appli MV Ride avec un navigateur simplifié. Comme la TRK ne s‘embarrasse pas d’aides au pilotage, rien d’étonnant à ce que la Lucky 5.5 en fasse autant.
Quel sera son nom d’usage définitif? Le mystère perdura encore quelques temps. Sans mettre à mal le charme de cette machine, habile restylage d’une Benelli déjà bien implantée sur le marché. La Lucky Explorer 5.5 ne viendra pas vraiment la concurrencer car jouant sur une image plus haut de gamme. Avec ses qualités… et ses défauts. Un joli coup de crayon, un moteur très accessible, un tarif quelque peu musclé, du poids….. Mais l’image de l’exigence italienne.
M.B. - Photos constructeur