Le souffle d'un tigre
Au moment de dénuder une hypersport pour en faire un roadster bien saignant, un constructeur a le choix: proposer une boule de nerfs pas très raisonnable ou dealer une pompe à feu ouvertement démentielle. BMW a favorisé la première option pour créer son S 1000 R et entretient cette thématique pour son renouvellement.
Du gros, du furieux, du méchant, du sportif dans le S 1000 R? A forte dose, sans basculer dans le démentiel. Il ne s’agit pourtant pas d’amuser la galerie quand on va batailler dans les massifs des naked sévèrement wattés. Alors, on attrape la S 1000 RR fraichement réitérée, on la descend en température, on met un phare façon R 1250 R puis on lâche le bestiau de 165 chevaux.
Depuis toujours, R et RR sont intimement liés; l’un étant le déshabillé de l’autre. Leur complicité entraine une totale refonte pour le roadster, allant presque jusqu’à une nouvelle identité. Intégralement revu, ce S 1000 R interpelle à plus d’un titre.
BMW confirme son désamour pour ses fameux regards asymétriques. Chaque œil convient à l’autre désormais. Dans l’ensemble, le bloc phare tête de fourche entretient de la nervosité tout autour de son modernisme mais quelque chose de plus agressif n’aurait pas été du luxe. A contrario, l’habillage de la machine s’est lâché sur ses tourments. Les appendices saillants prédominent sur l’énorme radiateur puis tentent d’amener le regard vers la fine poupe. Mais cet instant est vite rattrapé par la présence du muscle mécanico-cardiaque.
Dans la course à la
puissance, BMW a choisi de rester dans la même zone de combat qu’à ses débuts.
Celle en orbite des 140 à 160 chevaux, où se regroupent la majorité des gros
streetfighters. Pas question d’aller se mesurer aux surpuissants hyperfighters dotés
de watts de Superbike. La puissance maxi s’établit toujours à 165 chevaux à
11000 tr/mn. Peut-on exprimer un brin d’amertume, du fait de ne pas en
avoir davantage comme il est de coutume? T'inquiètes - tant de patate, c'est suffisant pour faire bouger les molaires.
Voyons un moment de vélocité via un instant du quotidien: prenez dans les
favoris du téléphone un contact et appelez-le. Attendez la première sonnerie.
Il s’est passé environ 8 secondes. C’est le temps qu’il faut à ce taureau pour
atteindre les 200 km/h. Une Porsche 911 demande 25% de temps en plus pour le
même exercice.
La boite de vitesses est également revue, avec les trois derniers rapports plus
longs pour jouer sur la consommation, un embrayage anti-dribble auto-renforcé
et une sélection plus précise.
Enfin, saluons le travail sur l’échappement. Même si BM n’a pas pu se
débarrasser de la marmite sous le châssis, on note un silencieux moins
imposant. Les chiffres l’accompagnent: 1,2 kilo en moins pour tout le
système.
A défaut de prendre du
muscle, le fauve a fondu de la graisse. 5,1 kilos de perdus entre deux
chapitres de S 1000 R. L’allemand peut se féliciter de son régime; sans
le qualifier d’exploit non plus. Avec 199 kilos, il est encore loin de la
sveltesse des roadsters italiens. Mais, cela lui permet d’améliorer son rapport
poids/puissance malgré le statut quo niveau cavalerie. Qu’il faut tenir avec
assurance! Que le bouilleur fasse 165 bourrins sur le roadster ou 212 sur
la M 1000 RR, il a besoin d’un châssis sacrément costaud pour transformer.
Un beau job pour le nouveau cadre dit " Flex Frame ". Il a débarqué
en 2018 sur la dernière version de la S 1000 RR. Sa structure périmétrique en
alu dispose de longerons courbés et s’appuie davantage sur le moteur que
l’ancien afin d’améliorer sa rigidité tout en perdant du poids (1310 grammes).
Un autre domaine où la bécane va gagner en dextérité, c’est du côté des roues.
Plus tu allèges les masses non suspendues, mieux ça réagit. Ca tombe bien, les
jantes perdent 1,8 kilo. Sans compter que la marque vous susurre encore plus
léger avec des modèles forgés augmentant le gain de 963 grammes; voire
des éléments en carbone au bénéfice de 2 783 grammes. Les disques aussi font un
effort en perdant 500 grammes.
La fourche passe de 46 à 45 mm de diamètre. Elle et le monoamortisseur peuvent recevoir en option l’amortissement semi-actif DDC, histoire de profiter d’une réactivité automatique en temps réel. Le S 1000 R n’a plus son bocal séparé pour sa commande de frein. Le nouveau maitre-cylindre possède un réservoir intégré pour transmettre son fluide aux disques de 320 mm. L’ABS veille, en version Pro de série maintenant.
Comme au premier jour, le
naked de la famille S 1000 s’approprie le tableau de bord de la frangine
hypersport. L’habitude ne change pas, et le voila équipé d’un écran TFT de 6,5
pouces. Un peu adapté pour se conformer à son nouveau récipiendaire, il propose
jusqu’à 3 types d’affichage – le troisième avec barregraphe et chrono réclame
le pack M.
De série, on a de multiples informations avec navigation via le multicontroleur
à la poignée gauche, ainsi qu’un système GPS coordonné grâce à l’appli de
connectivité Motorrad. Une fois le S 1000 R bardé d’options, la tablette peut
afficher un sacré paquet de données: prise d’angle actuelle- angle maxi
atteint – force de décélération actuelle en m/s – force de décélération maxi – réduction
du régime moteur par le DTC – info sur la limite de vitesse - Trip 1 – Trip 2 –
vitesse moyenne et conso pour chaque trip – temps de roulage et d’arrêt pour
chaque trip – pression des pneus – autonomie – kilométrage total – niveau de
carburant. L’afficheur permet aussi de rester calme quand le moteur est froid
en adaptant le début de la zone rouge. 6000 tours au début puis la limite
se décale jusqu’à 11000 au fur et à mesure de la chauffe du bloc. Une
idée que BMW avait étrennée sur ses bagnoles série 5 il y a une quinzaine d’années.
Bonne nouvelle pour les amateurs de techno, le S 1000 R s’est mis à jour, avec
certaines options qui passent dans la case série. D’abord au niveau des Modes
de conduite. Aux traditionnels Road et Rain vient désormais s’ajouter le
Dynamic, qui porte bien son nom. L’anti-patinage ASC se fait évincer par le
contrôle de traction DTC, lui-même plus efficace grâce à la greffe d’une
centrale inertielle à 6 axes. Cela permet aussi à l’ABS de devenir actif en
virage. Il réagit différemment suivant si c’est le Mode de conduite Rain ou
Road qui est sélectionné. Ensuite, si on prend en option les Modes de pilotage
Pro, on peut le paramétrer sur 5 niveaux. A cela s’ajoute l’aide au démarrage
en côte HSC. Pour le shifter, c’est toujours du coté des options... alors qu’une
MT-09 ou un 937 Monster les proposent en série! Mesquin les
teutons?!?
De toute façon, les
options, on n’y échappera pas. Autant voir ce qu’il y a dedans. D’abord, les
grands classiques tels que le silencieux sport en titane, des poignées chauffantes
ou le régulateur de vitesse. Aussi des nouveautés, à l’image de la chaine
inusable M, le phare Pro adaptatif en virage, des roues forgées ou en carbone,
tout un tas de pièces sport du catalogue M... Ou encore de la bonne tartine
technologique:
Avec les Modes de conduite Pro, on accède au Mode supplémentaire " Dynamic
Pro ", plus véloce encore et libérant toute la distribution des watts.
Ainsi qu’au contrôle du frein moteur MSR associé à un régulateur du couple pour
calmer les embardées de la roue arrière. Déjà qu’il y a d’origine un embrayage
anti-dribble... on peut dire adieu aux coups de raquette du train arrière sur
les gros freinages de sauvage.
Le HSC profite de l’occasion pour devenir automatique et réglage, le limiteur
de vitesse type Pitlane s’invite à bord avec son pote l’assistant au départ arrêté
pendant que l’électronique du freinage gagne le DBC. Pour Dynamic Brake Control:
ce système bloque les ordres de l’accélérateur pendant les phases de freinage.
Pour simplifier un peu tout, Béhème a réuni ses principaux packs dans une
finition Pro. Comme ça, vous avez une meule full options en lâchant un lourd 3000
roros.
C’était un méchant; à présent, il a l’air d’une brute. Le BMW S 1000 R fut dès le départ un adhérent du Fight Club. Un duc de Bavière au sang bouillant, fer de lance des roadsters BMW. Il a su poser BM sur les terres de la bestialité, comme l’a fait l’hypersport S 1000 RR dans son secteur. Il s’améliore sur bien des points, sans basculer dans la démesure de certaines productions extrêmes. Si la hausse de prix semble modérée (env 600 euros), le tarif peut très vite gronder autant que le moteur.
M.B - photos constructeur