Fiche moto SuzukiGSX-R 1000 2019 Tordre la poignée... en permanence
Si elle n'a plus la suprématie d'autrefois, la GSX-R 1000 s'affiche quand même comme une sacrée bonne hypersport. Son moteur de barjot est une barre de dynamite sous pression d'adrénaline. Et sa sportivité parvient à conserver le brin de polyvalence routière qui a fait la réputation de la lignée.
Un filet de temps est passé depuis sa nouvelle mouture... Pas assez pour une évolution mais suffisamment pour apporter quelques modifs. Et surtout réparer une gageure : cette pistarde n'était pas équipée de shifter. C'était la seule de la catégorie.
Le mal est réparé avec 2019. Le Quickshifter de la version R, fonctionnant à la montée comme à la descente des rapports, est installée sur cette Gex. Autre amélioration, visuelle cette fois, la pose d'un revêtement noir et d'une platine effilée sur le pot d'échappement. Il est toujours aussi gros, mais le parait un peu moins avec ces astuces.
Pas plus d'arrangements au programme, sauf pour la GSX-R 1000 R, un poil revue elle aussi. Ah si, les pneus. Les Bridgestone RS10 passent le relais aux RS11.
La Suzuki GSX-R 1000 de nouvelle génération, c'est surtout ça : Fin 2015, la marque annonçait les grandes lignes de cette sportive avec la GSX-R Concept ; une démonstration très proche de l‘interprétation définitive. Effectivement, on note très peu de différences avec la version de série. Design identique, idem pour la force technique, menace évidente, ce teaser laissait entrevoir du gros potentiel.
Les Gex 1000 ont rarement fait dans le spectaculaire coté design ; sauf peut-être la K5-K6, avec ses ouïes d'admission d'air forcé mises en évidence. Celle-ci ne déroge pas à la règle, avec des lignes tendues mais sages, une fausse face d'Hayabusa avec des feux à LEDs, des clignos quittant les rétros, une ligne toute en vitesse seulement saccagée par un pot ‘égronorme' et le support de plaque législativement obligatoire. Les japonaises ont laissé aux italiennes le soin d'exprimer la grâce. Ici, on pense performance avant tout, et la GSX-R 1000 sait qu'elle doit convaincre à nouveau, plus fortement que jamais.
La première étape d'un chemin long à rattraper, c'est de trouver des chevaux. Psychologiquement, et peut-être plus que dans n'importe quelle autre catégorie, le pistard veut un missile avec de gros watts. En attendant le prochain palier, la norme s'est stabilisée à 200 chevaux. Suzuki veut marquer le coup. N'attendons pas la fin des lignes pour apprendre qu'une GSX-R 1000 sort maintenant 202 chevaux. Un sacré progrès ! Le bloc 4 cylindres a gagné 17 ch, avec une relative sanction. La puissance maxi est perchée bien plus haut, à 13 500 trs au lieu de 11 500 trs. Même punition pour le couple, en légère hausse avec 12 mkg mais 800 trs supplémentaires pour saisir son maxi. Suz a toujours su offrir des moteurs débordants de vigueur pour ses modèles de fort calibre, et cette Gex a de quoi donner des sueurs aux autres blocs de la catégorie.
Cependant, ce moteur n'est pas que plus puissant. Il a d'autres atouts. Suzuki s'est sérieusement penché sur lui. Avec une solution technologique rare en moto : le calage variable de la distribution. Ainsi, l'arbre à cames d'admission présente un profil différent suivant le régime. Comment ? Par un petit système très ingénieux empruntée à la GSX-RR de MotoGP. Une cloche spéciale fixée sur l'ACT contient 12 billes circulant dans des rainures obliques. Avec la force centrifuge, ses billes sont poussées vers le bord de la cloche et décale ainsi les cames. Le VVT (Variable valve timing system) préserve ainsi de la force à bas et moyen régimes puis dope la puissance à haut régime. Pour gagner du poids, les arbres à cames sont creux. Et pour éviter l'affolement des soupapes dans les tours, celles-ci ne sont plus actionnées par des poussoirs mais par des linguets.
Ces innovations ne sont qu'une partie des spécificités de ce 4 cylindres. Doté de nouvelles cotes internes, 76 x 55.1 mm au lieu de 74.5 x 57.3 mm, il enregistre une cylindrée un chouia augmentée (999.1 -> 999.8 cm3), un taux de compression revu à la hausse (12.9 -> 13.2 : 1), 1000 trs de régime supplémentaire (14 500 tr/mn), ainsi que de nouvelles bielles, pistons et segments. Et la puissance n'est pas sa seule priorité, il veut aussi participer à l'équilibre général. Il est 22.2 mm plus court, 6.6 mm moins large, et redressé de 6°.
Pour une GSX-R, le chapitre technique a une saveur toute particulière. Chaque petite amélioration permettant de grappiller le petit millième qui manque. Par exemple, on trouve de nouveaux injecteurs à 10 trous. Une première rangée placée sous les papillons fonctionne en permanence, et la seconde placée dans la boite à air n'envoie la sauce qu'à haut régime. Tiens, cette boite à air, elle a son mot à dire aussi. On trouve des conduits simples au centre pour les cylindres 2 et 3, et un système variable pour les 1 et 4. Ces conduits à deux étages sont activés en fonction du régime. L'air prend le chemin le plus long à bas et mi-régimes pour favoriser le couple ; au-dessus, l'air s'engouffre par le haut et par le bas des conduits pour favoriser la puissance. Avec cette répartition de l'admission d'air, Suzuki entend lisser tant qu'élargir la puissance exploitable. Le diamètre d'admission en profite pour augmenter passant de 44 à 46 mm.
Du coté de l'échappement aussi, le souffle est contrôlé. En plus de la traditionnelle valve précédant le silencieux, la GSX-R implante des vannes dans les tubes de jonction reliant les tubulures des cylindres 1-4 et 2-3. Ceci afin d'équilibrer les contre-pressions des gaz.
Quelques petites précisions avant un autre chapitre, plus numérique. La commande d'embrayage est plus souple avec le nouvel embrayage anti-dribble, la chaine de transmission adopte un pas de 525 (530 auparavant), l'efficacité du refroidissement est augmenté tout en embarquant 400 ml de moins + un radiateur d'huile modifié.
Avec son 4 cylindres plus puissant, plus compact, plus avide de tours, la 1000 GSX-R s'aligne de front avec le plus fort de la meute. Chaque phare en embuscade, chaque main démangée par la performance s'attend maintenant à la réponse de Suzuki concernant l'électronique embarquée. Comme Honda avec sa CBR 1000 RR, Suz a longtemps attendu pour intégrer les dernières technologies d'assistances au pilotage. On avait bien droit à plusieurs cartographies avec le S-DMS, et à l'ABS. Mais il faut beaucoup plus à présent pour se vendre. Une hypersport de 200 bourrins sans contrôle de traction aujourd'hui, c'est une hérésie. Alors, à Hamamatsu, on a fait le marché aux puces et rempli le caddy. Sauf que...
D'abord caser une IMU. La centrale inertielle de Bosch est un élément tactique depuis peu, mais sacrement intéressant. Elle permet de suivre les mouvements de la moto dans 6 directions et sur 3 axes, roulis, tangage et lacet. Et ainsi de transmettre des infos dynamiques permettant à l'électronique d'améliorer son efficacité en fonction des mouvements de la moto et de sa position dans l'espace.
Maintenant, installer un contrôle de traction. Le TCS de Suzuki calcule la rotation des roues toutes les 4 millisecondes puis intervient en fonction des écarts et du réglage choisi. Il y a 10 positions sur la grosse Gex, avec cette graduation : de 1 à 4, c'est plutôt pour la piste ; 5 à 8, quand on se promène vite sur la route ; et on se garde les 9 et 10 quand la météo ou la chaussée sont maussades.
Le S-DMS est toujours là, proposant trois cartographies d'injection. Chacune dispose du maximum de puissance mais la distribue différemment. Le mode A est le plus direct, le B tempère un peu les ardeurs jusqu'à mi-régime, le C calme la puissance sur les deux premiers tiers de la courbe.
Pour le quotidien, on a droit aux deux facilités implantées un peu partout dans la gamme, le Low RPM Assist et le Easy Start. Le premier ajuste le régime pour éviter de caler lorsqu'on s'élance ou à faible vitesse ; le second s'occupe du démarrage après l'impulsion sur le bouton rouge. Euh.... Ce genre de goodies a-t-il vraiment sa place sur une moto nécessitant une forte expérience ?
Par contre, petite révolution chez Suz : au point mort, plus besoin de serrer la poignée d'embrayage lorsque l'on veut démarrer.
En découvrant la GSX-R 1000 Concept, on s'attendait à quelque chose de sérieusement costaud coté châssis, avec comme apéro la belle fourche inversée à cartouches déportées. Problème, cette Showa BFF réserve son efficacité pour la version R.
On râle ? Pas tant. Du gros boulot a été fait sur la partie-cycle afin de doper la GSX-R 1000. Le cadre en aluminium prend des dimensions plus compactes, et gagne 10% en poids. Le nouveau bras oscillant est annoncé plus rigide, avec un axe de pivot déplacé de 20 mm vers l'avant. Pour le bâti arrière, une conception repensée permet de gagner encore 1 kilo.
Les suspensions, déjà éprouvées sur la génération précédente et d'un excellent niveau, sont reconduites sur la nouvelle Gex. La fourche inversée de 43 mm est un modèle BPF à gros piston de chez Showa. L'amortisseur arrière provient du même équipementier, et bénéficie d'une nouvelle tringlerie pour être plus réactif.
En montant à bord, mais surtout pendant les phases de pilotage, les pilotes aguerris apprécieront les efforts coté ergonomique. Des petites choses, mais qui savent s'apprécier. Le réservoir, moins haut de 21 mm, a été remodelé pour faciliter les déplacements du corps. Visez, bougez, anglez ! C'est toujours plus sympa quand on est à l'aise et qu'on pivote plus naturellement. Ouvrez grand les gaz, laissez un temps le compteur s'affoler puis choper les freins. Son efficacité augmente d'un cran. Les disques passent de 310 à 320 mm, et sont fixés sur les frettes par un duo de raccords, mi classique mi T-drive. Les étriers sont toujours signés Brembo. A fixation radiale, contenant 4 pistons de 32 mm. L'ABS est de série, et grâce à la centrale inertielle, il est aussi actif en virage. Le Track Motion réduit la pression quand la moto est sur l'angle, et agit également sur le soulèvement de la roue arrière lors des gros freinages.
Nouvelle Gex, nouveau tableau de bord. Plus de compte-tours à aiguille, plus de tige rouge qui gigote avec hystérie. Désormais, une tablette alphanumérique regroupe toutes les infos. Pas très gai, pas de couleur mis à part un peu de rouge perdu en bout de régime... On est loin de l'accueil d'une R1, d'une RSV4-RR ou d'une Panigale. Pourtant, toutes les infos sont là, avec en priorité le régime, la vitesse, le rapport engagé, la carte S-DMS choisie et le niveau de Traction Control. Et depuis le cockpit précédent, on a gagné l'affichage du niveau de carburant, le calcul de la conso, la température ambiante, un indicateur de maintenance et un témoin de givre.
Avec cette version, la Suzuki GSX-R 1000 a fait le plein de puissance et l'essentiel d'assistances électroniques. Il lui en manque quelques unes pour être aussi bien équipée que les copines mais il y a déjà de quoi faire – Choix de cartographies, contrôle de traction, ABS cornering, contrôle du levage de la roue arrière, shifter Up&Down. Comme annoncé, cette Gex est la plus puissante jamais produite. Et bénéficie d'un super rapport poids/puissance. Il y clairement de quoi continuer la moisson de trophée. Mais on dirait qu'elle a laissé le soin à sa sœur GSX-R 1000 R de s'emparer du circuit et du cœur des pistards chevronnés. Pour elle, sa mission se contentera d'être la plus efficace partout ailleurs.
M.B - Photos constructeur