Fiche moto DucatiDesertX 937 2024 Retour vers le trail du futur
«Le projet est né d’une manière très créative, en partant d’une feuille blanche», explique Andrea Ferraresi, directeur du centre de style Ducati, en préambule du 6e épisode du Ducati World Première 2022. «Nous nous sommes inspirés de la moto que nous avons au musée. C’est ainsi qu’est né le concept que nous avons dévoilé en 2019.»
La moto à laquelle le designer italien fait référence, c’est bien entendu la célèbre Cagiva Elefant 900 i.e. avec laquelle Edi Orioli remporta le Paris-Dakar en 1990. Cagiva ayant signé dès 1983 un accord avec Ducati pour la fourniture de moteur, ce gros trail également célèbre pour sa décoration aux couleurs du cigarettier Lucky Strike, était motorisé par l’incontournable twin en L Ducati de 904 cm3 à refroidissement par air.
Dès lors, avec la voie ouverte par la Yamaha Ténéré 700 et ce retour en grâce des trails de moyenne cylindrée réellement taillés pour évoluer hors bitume, le constructeur italien a décidé de proposer «une moto qui repousse les limites de ce que l’on peut faire avec une Ducati». Pour ce faire, les ingénieurs italiens ont développé «une nouvelle partie-cycle spécifiquement destinée à une utilisation en tout-terrain.» Le patron du design Ducati n’hésitant pas à qualifier la nouvelle DesertX de véritable «outil sportif ». Et de préciser: «c’est la première Ducati conçue et fabriquée pour traverser les terrains les plus exigeants en matière de tout-terrain, avec une roue de 21’’ à l’avant et 18’’ à l’arrière, une suspension à long débattement et une grande garde au sol.» À l’inverse de KTM qui puise ses origines dans la pratique du tout-terrain et qui a progressivement réussit sa mue vers la moto de route et de vitesse, Ducati se lance depuis 2022 vers de nouveaux horizons en proposant une moto vraiment pensée et développée pour une utilisation off-road.
De fait, si la gamme Ducati proposait déjà les Multistrada 1260 Enduro (remplacée par la Multistrada V4 Rally) et autres Scrambler Desert Sled(aujourd'hui disparue du catalogue), force est de reconnaître qu’en dépit de quelques attributs TT et d’un positionnement marketing plus axé sur l’aventure hors bitume, ces motos restaient conçues à l’origine pour une pratique essentiellement routière. Malgré cela, Ducati précise que la DesertX reste néanmoins «confortable, facile et sûre sur les longs trajets grâce au soin apporté à l’ergonomie du conducteur et du passager, à l’étude aérodynamique et aux équipements électroniques avancés.»
La DesertX reçoit dans son cadre treillis tubulaire en acier le fameux V2 Testastretta 11° Desmodromique de 937cm3. Un twin vigoureux à refroidissement liquide qui équipe déjà les Multistrada V2 et Monster. Ainsi motorisée, la DesertX propose 110 ch à 9 250 tr/mn et 92 Nm de couple à 6 500 tr/mn, pour un poids à sec de 202 kg (223 kg en ordre de marche). Ce qui, malgré les 1,7 kg gagnés sur le moteur, reste plus élevé que le poids de laYamaha Ténéré 700 qui s’affiche à 204 kg tous pleins faits. Avec 110 ch pour l’italienne contre 73 ch pour la japonaise, la DesertX n’aura certes aucun mal à emmener les kilos supplémentaires, mais ceux-ci resteront surement sensibles lorsque le terrain se fera plus exigeant… Pour adapter le caractère de son twin vigoureux à la pratique du tout-terrain, Ducati a revu l’étagement de la boite de vitesse : «le 1er et le 2e rapport, en particulier sont beaucoup plus courts que sur les autres modèles, pour une meilleure réactivité lors de la conduite off-road à basse vitesse », confirme Perluigi Ziampieri, directeur du R&D chez Ducati. Tout en préservant une 6e vitesse assez longue pour cruiser sans trop consommer sur autoroute. A noter que la DesertX est équipée de série d’un shifter up&down afin de monter ou descendre les rapports sans avoir à couper les gaz ou à utiliser l’embrayage.
Malgré ses allures de baroudeuses minimalistes, la DesertX offre néanmoins un équipement ultra-complet puisqu’elle propose pas moins de six modes de conduites - Sport, Touring, Urban, Wet, Enduro, Rally - qui agissent notamment sur la puissance disponible (110 ch, 95ch ou 75 ch) et la vivacité de la réponse à la poignées de gaz (dynamique ou douce). Précisons que le mode Enduro réduit la puissance à 75 ch tout en conservant une réponse dynamique, afin de faciliter les premières évolutions en tout-terrain pour les novices. Alors que le mode Rally offre une réponse dynamique et l’intégralité des 110 ch pour que les pilotes chevronnés puissent s’amuser sans limite. Sur ces deux modes uniquement, l’ABS cornering (c’est-à-dire actif en virage) peut être totalement déconnecté, cette assistance au freinage étant par ailleurs paramétrable sur 3 niveaux.
Afin d’assoir son propos et pour montrer les capacités de la DesertX en action, Ducati s’est fendu d’une virée dans le désert d’Arabie Saoudite, avec au guidon deux pilotes chevronnés dont l’un n’est autre que le quintuple champion du monde d’enduro, le français Antoine Méo. Enchainant les sauts d’un autre monde et les travers d’enfer dans les dunes, la DesertX dévoile son potentiel. Les suspensions Kayaba entièrement réglables profitent de leur débattement de 230 mm à l’avant et 220 mm à l’arrière encaisser les atterrissages. Dans sa belle robe blanche quasiment immaculée, simplement zébrée de chaque côté par une bande rouge-blanche-grise-noire, rappelant subtilement la décoration Lucky Strike de l’Elefant, la belle envoie du rêve à mesure que le sable saoudien virevolte sur son passage. Son double optique, dont chaque phare est cerclé par un éclairage diurne à leds DLR en quatre segments interrompus, impose ce nouveau regard inédit qui rend parfaitement hommage à celui de son illustre ancêtre. Un regard immanquablement tourné vers de nouvelles traces, le plus lointaines possible.
Ce regard est signé de la mains d’un autre français qui travaille depuis plusieurs années au centre de design Ducati et à qui l’on doit déjà le dessin des Scrambler Desert Sled et Scrambler 1100. Jérémy Faraud revient sur la genèse du style de la DesertX: «Dans les années 1990, je n’étais qu’un enfant, mais je me souviens encore de l’excitation que je ressentais en regardant les étapes du Paris-Dakar. Je pouvais voir ces grosses motos rapides sauter d’une dune à l’autre et c’était presque surréaliste. Toutes ces motos de rallye avaient en commun un look en hauteur, souvent avec un double phare. Le volume central était mince tandis qu’il y avait un gros volume à l’avant et à l’arrière. La Desert X est pensé comme un outil, confirme-t-il: elle est essentielle et robuste.» À l’instar de laYamaha Ténéré 700, le designer français souligne que «le style est guidé par la fonctionnalité.C’est pourquoi nous avons opté pour une esthétique aussi minimaliste.» Pour autant, et comme son nom le suggère, la DesertX peut-être amené à évoluer dans des conditions de température très élevée, c’est pourquoi le design du carénage intègre des conduits d’écoulements d’air, l’air chaud du radiateur étant évacué vers le bas, tandis que des passages pour l’air frais ont été aménagés derrière les protections latérales afin d’aérer le pilote.
À mesure que l’on détaille la DesertX sur les nombreux clichés fournis par Ducati; qu’on la regarde en action bondir ici et là et évoluer avec efficacité dans les dunes de sable, une réminiscence apparaît immanquablement: la forme de son réservoir associé à celle de son carénage de tête de fourche qui intègre les doubles optiques rondes rappellent furieusement les Yamaha Ténéré 600 modèle 3AJ commercialisées de 1998 à 1991. Ce qui est un compliment, ne vous y trompez pas! La DesertX voulait rendre hommage aux illustres motos de course du Paris-Dakar des années 1990: le pari est réussi! Nous voilà en plein retour vers le futur des trails… et l’on adore ça! Le meilleur d’une époque qui nous a fait rêver associé à la maitrise technologique d’aujourd’hui: youpi!
Pour rester toujours dans une veine très rallye-raid, le tableau de bord est - comme sur laTénéré 700 - positionné de manière verticale à la façon d’un dérouleur de road-book. Mais à la différence de la japonaise, l’instrumentation est loin d’être minimaliste puisqu’elle est ici confiée à un écran TFT 5’’ affichant toutes les informations nécessaires ainsi que tous les réglages correspond aux assistances électroniques tels que le contrôle de motricité, l’anti-wheeling, la gestion du frein moteur et de l’ABS. Différents modes d’affichage sont proposés, dont un mode baptisé Rally qui fait met en avant l’autonomie résiduelle et la fonction Trip Master.
Bien entendu, la liste des accessoires et options est longue. Que ce soit pour parfaire l’équipement off road et les aptitudes au tourisme,la DesertX peut être équipée à la carte : selle monobloc pilote-passager, selle basse, protège phare, protection latérale, sabot moteur renforcé, bagagerie en aluminium, poignées chauffantes, béquille centrale, etc.…
Le plus sympa dans la liste des accessoires proposés reste sans nul doute la possibilité inédite d’ajouter un réservoir d’essence additionnel à l’arrière, rajoutant ainsi 8 litres de carburant au 21 litres proposés. Le moment venu, le tableau de bord vous propose de réaliser le transfert d’essence du réservoir arrière vers le réservoir avant, et ce grâce à une pompe supplémentaire placée dans ce réservoir. Capable d’embarquer 29 litres d’essence au total, la DesertX rivalise ainsi avec les BMW R1250GS Adventure et autre Triumph Tiger 1200 Explorer dont les énormes réservoirs proposent 30 litres de carburant. De quoi partir sereinement à l’aventure! Sauf qu’il semble pour l’instant que la bagagerie spécifiquement développée par Ducati ne soit pas compatible avec ce réservoir additionnel de 8 litres (cf. configurateur Ducati): dommage.
Quoiqu’il en soit, la nouvelle Ducati DesertX donne terriblement envie de sauter à son guidon. Hélas pour Ducati, ils ne sont pas les seuls à s’engouffrer dans ce segment. Pire, le constructeur de Bologne va devoir partager l’héritage de la Cagiva Elefant 900 i.e. avec le constructeur de Varese. A l’instar de Ducati qui a fait de ses Scrambler une marque à part entière (ou comme BMW l’a fait en automobile avec Mini), MV-Agusta devait lancer en 2022 une nouvelle marque baptisée Lucky Explorer, en référence bien sûr à la mythique Cagiva peintes aux couleurs Lucky Strike. Deux modèles devraient ainsi être proposés: la Project 5.5 et la Project 9.5, respectivement motorisée par un twin vertical de 549 cm3 d’origine chinoise (QJ Motors) et par un trois-cylindres de 930 cm3 dérivée de ceux utilisés dans les MV Agusta 800. Ce sera finalement sous le label MV-Agusta et les motos devraient changer de nom. Et c’est sans compter l’arrivée des Aprilia 660 Touareg et autres Husqvarna Norden 901… Mais on ne va pas se plaindre d’avoir le choix!
M.L. - Photos constructeur